Ethnographies de la souffrance, ou la vie psychique de l’histoire

Roberto Beneduce
MSH, 54 bd Raspail, salle 15
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23 juin 2021
10:00
À propos de l'évènement

Un passé insomniaque. Traumatismes historiques, ancêtres et crises de possession au Mozambique. 10h-12h

 

Le Mozambique connaît une histoire tourmentée : de la guerre coloniale jusqu’à la guerre civile opposant la RENAMO (Resistência Nacional Moçambicana) à la FRELIMO (Frente de Liberação do Moçambique), sans oublier les violences plus récentes, le passé ne cesse d’y hanter le présent. En passant en revue plusieurs approches de ce passé et de ce présent douloureux, de « la cause des armes au Mozambique » (Geffray) aux ethnographies et travaux historiques de Harry West ou Paolo Israel, cette rencontre conclusive s’intéressera à la manière par laquelle les mémoires des atrocités ou des traumatismes collectifs, les savoirs thérapeutiques locaux, la rhétorique de la maladie et le discours politique (du gouvernement ou des forces de l’opposition) s’entrelacent en donnant forme à ce que j’appelle les « nœuds de l’histoire ». Par ce terme j’entends des lieux où les symptômes tels que les crises de possessions et les« transes scolaires » peuvent être pensés et questionnés comme des véritables «palimpsestes », où la crise de transmission des connaissances thérapeutiques «traditionnelles » révèle la lutte à la fois épistémologique et politique qui de l’époque coloniale à nos jours se déroule dans les territoires du religieux(les églises de la guérison et le néo-pentecôtisme), de la souffrance et de la cure.

Imaginaires religieux, savoirs thérapeutiques et pratiques rituelles en Afrique sub-saharienne

Les conférences vont être consacrées à l’étude de ce que j’ai appelé ailleurs (Beneduce  2012 ; 2020 ; Gibson et Beneduce 2017) la « vie psychique de l’histoire », voire : les imbrications des temporalités dans les rituels thérapeutiques, l’expérience du religieux et la gestion sociale de la souffrance. Nous analyserons d’abord des questions méthodologiques, en particulier la place de la violence sociale et familiale (cachée, manifeste, « refoulée ») dans la recherche ethnographique sur les imaginaires religieux et les pratiques rituelles, en soulignant comment la difficulté à prendre en charge la dimension obscure et conflictuelle des relations sociales contribue parfois à orienter l’enquête, et à « construire » l’image d’une pratique, d’un champ de connaissance ou de pratiques  (« l’animisme », «le sacrifice », « la sorcellerie », les « rituels religieux », la « médecine traditionnelle »,par exemple), ou d’une société. Le non traitement de ce biais méthodologique a déterminé quelques faiblesses théoriques dans l’ethnopsychiatrie contemporaine ainsi que dans l’anthropologie du religieux.

Partant de cette question théorique et méthodologique, les conférences vont mobiliser certains terrains ethnographiques où j’ai mené mes recherches(Cameroun, Mali, Mozambique, Sénégal), chacun d’eux mettant en scène une expression particulière de la souffrance individuelle et sociale, où les domaines de l’expérience religieuse, du savoir thérapeutique local, de l’ontologie du corps, de la mytho-politique et de la mémoire historique se croisent, se superposent et se questionnent sans cesse.

23 juin 2021
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10:00
Evènement en ligne
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MSH, 54 bd Raspail, salle 15
Roberto Beneduce (Université de Turin)