Séminaire de Pantin
La question du féminin hante la psychanalyse et l'esthétique. Otto Rank, autrefois disciple de Freud puis rejeté par ce dernier pour ses théories sur le traumatisme de la naissance, publiées en 1929, était conscient que le féminin était l’enjeu de la peur et de la haine envers les femmes. À notre époque, où l’on peut repérer cette peur et cette haine par le taux mondial de féminicides, le psychanalyste Willy Apollon définit le féminin comme le passage-à-l’acte d’un hors-langage, passage qui ne peut être qu’esthétique ou violent. Sorti en 2019, le film d’horreur Us de Jordan Peele, où il s’agit d’Adelaide/Red, une femme afro-américaine et son double, puis de toute un collectif souterrain de doubles d’une société consumériste et individualiste en Californie, nous rappelle peut-être au plus immédiat la notion du Doppelgänger, proposée aussi par Rank et acceptée par Freud comme expression de l’inquiétante étrangeté. Nous considérons que Us reprend à son compte la question du féminin au sens indiqué par Apollon dans sa métapsychologie mais déjà dans ses premiers travaux sur le vaudou haïtien, en montrant que si le féminin perturbe le lien social, sa perturbation peut aussi devenir une force créatrice, notamment à travers la danse. Une relecture de certains travaux en papier de la plasticienne féministe américaine Nancy Spero, accompagnée du texte de Hélène Cixous « Dissidanses de Nancy Spero » permet de mettre en lumière les rapports entre la censure du féminin, la misogynie et la logique de la domination qui pousse Spero et Adelaide/Red vers le découpage comme stratégie pour soutenir leur « dissidanse. »
Fernanda Negrete est philosophe et théoricienne de l’art, elle est directrice du Center for the Study of Psychoanalysis and Culture de l’Université de Buffalo
La séance sera discutée par Boris Chaffel
Les réunions sont ouvertes à toutes et à tous. Participation aux frais de location de la salle : 15€ (tarif réduit : 5€).