Avec l’ouverture de la « question d’Orient » dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, la Palestine, qui dispose du statut particulier de Terre sainte, devient le lieu névralgique des relations internationales européennes.
Durant les décennies qui précèdent la Grande Guerre, les luttes d’influence entre les puissances européennes se multiplient, chacune se présentant comme la protectrice d’une communauté religieuse. Alors que la France et la Russie étendent respectivement leur influence sur les catholiques et les orthodoxes, les Anglais se présentent comme les protecteurs des juifs en Palestine. C’est dans ce cadre que s’inscrit le mouvement sioniste.
Si la France se voit reconnaître une primauté d’influence à l’issue des guerres balkaniques, les Britanniques profiteront de l’alliance nouée avec le mouvement sioniste lors de la Première Guerre mondiale pour s’arroger un mandat sur la Palestine.
La période du mandat britannique est essentielle pour la mise en place des acteurs contemporains que sont le mouvement national palestinien et le mouvement sioniste. Pris dans une double obligation entre les uns et les autres, les Britanniques sont dans l’incapacité de trouver une solution politique satisfaisante pour les deux parties, que ce soit un État palestinien unitaire, une division en cantons ou un partage territorial. Ils doivent ainsi faire face à une révolte palestinienne, puis à une révolte juive. Non sans arrière-pensées, ils délèguent le dossier à l’ONU qui, avec le vote du plan de partage de novembre 1947, provoque une guerre entre Arabes et sionistes, puis, après le 15 mai 1948, une guerre israélo-arabe.
Dans ce conflit de longue durée, les Européens s’identifient largement à l’État d’Israël. Dans les années 1950 et 1960, la France et l’Allemagne lui fournissent les armements qu’il demande, mais la priorité pour l’État hébreu est d’obtenir l’aide militaire américaine, qui ne devient substantielle qu’après la guerre de juin 1967.
Après cette guerre, les « discussions à quatre » voient un rapprochement des positions de la Grande-Bretagne et de la France sur la nécessité d’un retrait des territoires occupés contre une reconnaissance de l’État d’Israël, mais la question de la prise en compte du facteur palestinien reste ouverte. S’ouvre ainsi un dialogue euro-arabe. Ce dernier mènera à la résolution de Strasbourg de 1975, appelant Israël à se retirer des territoires palestiniens occupés et à reconnaître les droits nationaux du peuple palestinien, puis à une nouvelle déclaration en 1977 appelant à la création d’une patrie pour le peuple palestinien, et marquant pour la première fois l’opposition européenne à la construction de colonies israéliennes dans les territoires occupés. L’étape la plus importante demeure la déclaration de Venise du 13 juin 1980, qui parle de solution juste et préconise l’intégration de l’OLP dans les discussions de paix.
Deux niveaux d’action sont à considérer. Le premier est celui de la politique propre à chaque État, le second est celui de l’action collective de la Communauté, devenue Union européenne, le tout étant pris dans le jeu complexe des relations transatlantiques. De fait, la présence de l’Union est forte dans le domaine économique, aussi bien par le traité d’association UE-Israël, qui fait de l’État hébreu le premier partenaire commercial de l’Union, que par le financement des institutions palestiniennes à partir du processus d’Oslo. Néanmoins, l’Europe n’est que simple observatrice des négociations du processus d’Oslo, et si le « quartet » des années 2000 lui reconnaît un rôle, c’est dans un cadre impuissant à faire accepter une solution politique satisfaisante.
L’Europe est ainsi prise entre le poids de son héritage colonial et impérial, son identification culturelle avec Israël, la charge représentée par sa culpabilité dans la destruction des juifs d’Europe durant la Seconde Guerre mondiale, l’importance de ses relations économiques, technologiques et scientifiques avec l’État hébreu, la montée de l’indignation d’une partie de son opinion publique, marquée par l’accusation d’apartheid et aujourd’hui de génocide dans la guerre de Gaza.
La question est de savoir si les États européens vont, dans leur grande majorité, reconnaître l’État palestinien et exercer des pressions envers l’État hébreu, en particulier dans le domaine de l’économie, ou s’il s’agit là plutôt de faux-semblants destinés à masquer une impuissance, voire une adhésion, liées à leurs héritages historiques et à leurs engagements géopolitiques.
Il n’en reste pas moins que l’Europe, dans sa globalité, est un des grands théâtres d’affrontements du conflit israélo-palestinien, en particulier dans les opinions publiques. En un sens, c’est une bonne part de l’identité européenne qui est en jeu, aussi bien dans l’interprétation de son passé que dans la définition de son identité à venir.
08h30 Accueil des intervenants
10h00 Pause café
Modération de Stéphanie Latte-Abdallah, CNRS
Dès les années 1830-1840, les projets coloniaux des Européens en « Terre sainte », à visée civilisatrice, ouvrent la voie à divers courants colonialistes, notamment le sionisme. L’ambition de ce panel est de réfléchir à la nature du sionisme et son articulation aux projets expansionnistes européens du XIXe siècle. Comment faut-il comprendre le projet de Theodore Herzl ? Comment celui-ci a-t-il évolué pour se distancier du colonialisme européen ? Servait-il l’intérêt des puissances européennes ?
12h00 Pause déjeuner
Modération de Jihane Sfeir, Université libre de Bruxelles
Si ses velléités d’occupation sont anciennes, l’Angleterre n’intervient directement dans l’occupation de la Palestine qu’à partir de la Première Guerre mondiale. Ce panel revient sur l’époque où les Britanniques étaient « aux affaires » en Palestine et interroge la convergence d’intérêts entre l’impérialisme britannique et le mouvement sioniste. À partir de plusieurs lieux d’enquête – la Terre, les ressources, les populations, la coercition – il met en exergue le rôle concret des Britanniques dans la dépossession progressive des Palestiniens.
Intervenants :
Modération de François Ceccaldi, Collège de France
Depuis le traité de Rome signé en 1957, l’Union européenne se présente comme la garante du respect des droits humains et du droit international. Au-delà de cet affichage normatif, il convient d’analyser son rôle concret dans les processus politiques et diplomatiques en Palestine. Après un retour historique, revenant sur le contexte de création des institutions européennes, ce panel interroge l’élaboration des politiques par l’UE et ses effets sur les acteurs politiques palestiniens.
Intervenants :
16h30 Pause café
Modération : Aude Signoles, Sciences Po Aix-en-Provence
Ce panel s’intéresse à la manière dont s’articulent les diplomaties à l’échelle communautaire et bilatérale. Il interroge l’impact des structures supranationales de l’EU sur les trajectoires nationales des différents pays européens et inversement. En filigrane, il entend contribuer aux débats autour de l’uniformisation des politiques étrangères européennes.
Intervenants :
8h30 Accueil des intervenants
Modération de Véronique Bontemps, EHESS
Le génocide des Juifs d’Europe est souvent mobilisé pour expliquer le soutien des pays européens à Israël. Tout en questionnant l’importance de ce facteur et en le mettant en perspective avec le passé colonial européen, nous interrogerons l’importance de l’appui exponentiel à la Palestine au sein des sociétés, dans la formulation des politiques étrangères européennes.
Intervenants :
10h30 Pause café
Modération de Leila Seurat, CAREP
Ce panel examine les enchevêtrements complexes et multiformes entre l’Union européenne, ses États membres et Israël. La discussion explore les pratiques spécifiques qui contribuent à la perpétuation de l’occupation mettant au jour différents réseaux d’acteurs. Il s’agira d’abord d’examiner la place des groupes de pression pro-israéliens au sein des institutions de l’UE et leur rôle dans l’élaboration des décisions du Parlement et de la Commission. L’analyse portera ensuite sur les circuits liés au commerce des armes et des technologies de surveillance ainsi que sur la présence d’entreprises européennes dans les territoires palestiniens occupés.
Intervenants :
12h30 Pause déjeuner
Modération d’Alain Gresh, Orient XXI
L’année 2023 marque un tournant dans la répression des voix en faveur de la Palestine. Tout en réinscrivant les dynamiques actuelles dans les trajectoires historiques de plusieurs pays européens, notamment la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ce panel entend donner sens à la rupture du 7 octobre, en analysant l’évolution des outils de répression aussi bien sur les plans coercitifs que sémantiques. Comment s’organise la répression y compris à l’échelle transnationale ? Quelles sont les cibles et les arguments utilisés ? Il conviendra également d’inscrire ces dynamiques dans d’autres formes de répression politiques.
Intervenants :
Modération de Emilio Dabed, York University, Toronto
Ce dernier panel dresse un cadre épistémique qui permet de montrer comment l’Europe a mis en échec la solution à deux États. Contournant perpétuellement les règles pourtant édictées par leurs propres institutions, les dirigeants européens ont directement porté atteinte à leurs principes servant des intérêts particuliers plutôt que celui des États membres et des acteurs de la région. Cet écart entre le dire et le faire amène aujourd’hui aux accusations de complicité dans le génocide, l’UE ayant échoué à répondre de manière adéquate aux avis des deux cours internationales de justice.
Intervenants :
17h00 Pause café
Modération d’Agnès Levallois, iReMMO
Intervenants :