12 octobre 2024

« Dissidanses » dans Us : Jordan Peele avec Nancy Spero

Fernanda Negrete

« Dissidanses » dans Us : Jordan Peele avec Nancy Spero

Le réalisateur américain Jordan Peele a sorti jusqu’à présent trois films de ce qu’on appelle « horreur psychologique » : Get Out (Fuis ! 2017), Us (Nous 2019), et Nope (Non/nan 2022). Situés tous trois aux États-Unis et se focalisant sur des personnages noirs de classe aisée, je dirais que les intrigues de ces films et les confrontations à chaque fois particulières d’un réel effroyable surgissant dans les sociétés libérales et capitalistes américaines d’aujourd’hui, soulèvent des questions de liberté, de vérité refoulée, de désir, et d’esthétique.

Dans mon intervention aujourd’hui je voudrais me pencher sur Us, et en particulier sur le pas de deux dansé par les protagonistes du film, Adelaïde et son double Red, jouées par l’actrice Lupita Nyong’o. Dans son essai sur Le Double qui prend comme point de départ le film muet d’horreur de 1913 L’étudiant de Prague, où l’on trouve aussi un personnage et son double, Otto Rank souligne une fonction fondamentale du double, qui, je cite, « créé au début dans le désir d’éloigner l’anéantissement éternel tant redouté, … revient dans la superstition comme un messager effrayant de la mort. » Dans Us le double revient en effet comme un messager effrayant. Pourtant, s’il y a pas mal de morts, le message du double principal, Red, n’est pas la mort. Dans son essai sur L’inquiétante étrangeté, Freud reprend le concept du double de Rank et signale qu’il est possible d’incorporer au double non pas seulement le narcissisme primaire surmonté par l’instance auto-critique qu’il appellera plus tard surmoi, mais, je cite, « encore toutes les éventualités non réalisées de notre destinée dont l’imagination ne veut pas démordre, toutes les aspirations du moi qui n’ont pu s’accomplir par suite des circonstances extérieures, de même que toutes ces décisions réprimées de la volonté́ qui ont produit l’illusion du libre arbitre. » On pourrait lire le fait qu’Adelaïde n’a pas poursuivi sa carrière de danseuse, ainsi que le retour de Red, à travers cette optique, mais en fait il ne s’agit pas simplement d’une question de destin individuel ni de triomphe du moi.

Je m’intéresse à la fonction décisive de la danse dans la grande insurrection qui a lieu dans le film. À mon avis l’enjeu de la danse ici est l’expression esthétique du féminin, terme que je prends au sens proposé par le psychanalyste Willy Apollon, qui définit le féminin comme le passage-à-l’acte d’un hors-langage. Ce passage-à-l’acte est exigé par le fait qu’il concerne des choses qui, n’ayant jamais été subsumées ou traitées par/ dans le langage, n’ont que l’esthétique ou la violence comme voies d’expression pour le sujet. Dans cette fonction de véhicule du féminin, la danse n’a pas fonction de semblant, de soutient de l’image du corps unifié qui correspond au moi. Par conséquent elle n’est pas non plus dans les limites du recevable, de ce que la culture reconnaît comme nous, en anglais « us ». Dans les premières lignes du Danseur des solitudes, en réfléchissant aux moments où l’on danse, Georges-Didi Huberman pense à « une fête. C’est une variante de parade sexuelle. Ou bien les corps s’approchent les uns des autres, mais pour se mettre en ordre sous la baguette d’un maître de cérémonie et aller du même pas dans la même direction ». Mais si la danse est souvent un dispositif de la culture pour assurer sa reproduction aux plans idéologiques et biologique, elle peut aussi ouvrir un espace à la lettre du corps, c’est-à-dire, au-delà du signifiant, l’inscription singulière d’une quête à l’origine de la pulsion. Avec la voie esthétique ouverte par le féminin il ne s’agit pas de se ménager cette marge de manœuvre à l’intérieur de la culture, que certains appelleraient sublimation. Le célèbre pas de deux de Casse-noisette de Tchaikovsky, habituellement dansé par un couple homme-femme représentant le couple amoureux, pourrait très bien figurer dans cette catégorie. Pourtant, Jordan Peele se sert de ce ballet à d’autres fins. Us, en fait, critique durement la gestion sublimatoire d’un intraitable qui insiste et met en question les fondements du lien social. C’est pourquoi le pas de deux de Tchaikovsky qu’Adelaïde/Red a dansé à l’âge de 14 ans, bien avant le moment de l’action dans le film, où elle en a 40, provoque une fissure dans un collectif souterrain de corps, attachés chacun à son double sur la scène sociale à Santa Cruz, en Californie. Il s’agit donc de ce que Hélène Cixous appelle, en observant des travaux en papier de la plasticienne féministe américaine Nancy Spero, d’un effet de dissidanse avec un « a » et un « s ». Car après ce pas de deux, ces espèces d’automates défavorisés deviennent une communauté souterraine et passent les 26 années suivantes à préparer leur violente insurrection sous la direction de Red, dans l’événement qu’elle nomme « The Untethering », « Le détachement ». Il ne s’agit pas uniquement d’un massacre pour achever la séparation des corps dits « dominants » peuplant jusqu’alors la surface de Santa Cruz, mais surtout d’un acte visant un travail de remémoration radical, où les compromis pour rester dans le montage culturel du sexuel qui assure la reproduction ne sont plus tolérables, et où les solutions individualistes face au défaut du langage deviennent inutiles. En ce sens-là, cet acte rappelle l’objet d’une analyse telle que le conçoit Willy Apollon, pour qui il est question de sortir une fois pour toutes de ce qu’il appelle le montage culturel du sexuel où le désir est captif, d’accéder au féminin jusqu’alors censurée par la culture, et d’assumer une éthique pour les conséquences de l’acte dans le rapport à l’autre.

Afin de mieux comprendre les enjeux de la dissidanse et du féminin dans ses expressions esthétique et violente, nous ferons un détour vers les travaux en papier de Nancy Spero, qui y effectue justement ce travail de remémoration. C’est-ce qui fait que dans son essai sur l'œuvre de Spero réalisée entre les années 1960 et 1980, Cixous lit les œuvres en papier de l'artiste féministe comme des poèmes qui, je cite, "commencent par la fin" :

« C'est la fin du monde, aujourd’hui, la Violence et l'Oubli piétinent la Terre, dix mille ans que Marduk a tué Tiamat, il l'a éventrée, éviscérée et aplatie, tannée, a transformé sa chair en une fine pellicule de papier, a fait des abat-jours avec sa peau et du savon avec sa graisse, et ça continue, le massacre de tout ce qui est « femme » sur le Sol du Monde, femme les poètes, femme les révolutionnaires, femme les rêveurs, femme le peuple vietnamien sur lequel Hélikopter, le dieu des Ravages des Américains, chie ses bombes excréments, déverse ses coliques de sperme empoisonné, dix mille ans que ça dure, la fin du monde, femme les juifs, femme ces déportés... (Dissidanses de Spero, 58). »

Dans la lecture que fait Cixous des rouleaux de papier de Spero, Tiamat, la déesse chaotique et aquatique de la création primordiale dans le mythe mésopotamien relaté dans l'Enūma Elish, continue d'être assassinée jusqu'à aujourd'hui dans chaque scène animée par une passion pour la domination qui rend ses acteurs incapables de reconnaître d'autres êtres vivants, si ce n'est en tant que menaces monstrueuses à éliminer. Cette idée apparaît notamment dans l'œuvre Marduk (1983) de Spero, qui présente une description peinte à la main, de la division par Marduk du corps de Tiamat en deux moitiés pour faire les cieux avec l'une d'elles (128-29), (1) ainsi que des fragments dactylographiés collés offrant des récits de femmes torturées dans le monde entier à l'époque de la réalisation de la pièce. Cette position féministe, qui dénonce un pouvoir fondamentalement violent et destructeur qui se positionne à plusieurs reprises contre "tout ce qui est 'femme'" répond non seulement à ce mythe de la création mais aussi à une misogynie historique profondément enracinée, qui n'est certainement pas absente des origines de la psychanalyse, et a soulevé pour Freud une importante question métapsychologique sur ce qu'il a appelé en 1937 « une répudiation de la féminité », qu'il a reconnue comme la question clé à affronter à la fin d'une cure (2). En analyse, le sujet pourrait trouver un moyen de cesser de répudier le féminin, qui, selon moi, n'est pas simplement synonyme de passivité, mais plutôt une force créatrice surprenante à accueillir en soi et chez les autres. Pour cela il faut sans doute repenser la castration, en sortant des cadres du renoncement, de la perte, et du manque, que Freud et même Lacan ont proposé.

La création du monde dans le mythe babylonien est accomplie par le meurtre de la déesse Tiamat, qui avait été responsable de la création en mélangeant ses eaux marines avec celles du dieu sous-marin Apsu, "alors qu'en haut le ciel n'avait pas été nommé", lit-on, et que "la terre ferme en bas n'avait pas été appelée par son nom" (3). La dynamique du mythe traduit la tension entre le langage et le corps de la pulsion désarrimée du signifiant, où le féminin est en jeu. Si le langage censure le féminin pour garantir le lien social, plus spécifiquement le sens et l'identité au nom de l'existence collective et de la reproduction, ce qui permet de stabiliser le monde, Cixous, observant le travail de Spero, remarque que cette situation représente plutôt "la fin du monde." En tout cas c’est la fin de la création. Ainsi, au moment où le ciel et la terre sont nommés, lorsque le monde devient déterminé par le langage, la création n'atteint pas son apogée, mais est au contraire arrêtée ou déformée dans une chaîne de désastres sans fin. Pourtant, si l'on considère que la violence reste un mode où ce qui excède le langage passe à l'acte, un mode du féminin, il est évident que la simple assignation du masculin ou de "l'homme" comme le contraire et l’ennemi n'ouvre pas un autre avenir au-delà de la fin du monde. En fait, toute cette violence dénoncée par Spero et Cixous, est aussi bien une expression possible du féminin, un passage à l’acte violent d’un hors-langage, tandis que la "femme" est à son tour réduite et reste cantonnée au statut de victime.

Cixous souligne la façon dont Spero s’attaque à ce problème : « Comment ne pas se dire, pense-t-elle, que toutes celles qui sont nées sous le signe de la femme (c'est-à-dire celles qui sont pour les fleurs, pour les rires, pour la splendeur du jour, pour les délices de la course sur les sables grecs, pour la jubilation débordante d'Archimède, les savantes, les poètes, les enfants, les championnes qui courent sur et pour la vie) sont vouées au destin qui s'appelle Victimation » (22). (4) Le Marduk de Spero offre déjà un indice. Tandis que les rouleaux bleu foncé se déploient et que les récits d'actes de violence contemporains tapés sur des blocs de papier collés s'élèvent du sol vers le récit en majuscules du meurtre de Tiamat dans le ciel sombre, les silhouettes courbées qui touchent le sol avec leurs pieds et le bout de leurs doigts sont tournées vers la gauche, étirant leurs bras et leurs torses dans cette direction, dépassant les récits féminicides modernes et remontant encore plus loin dans le temps. Ces corps élancés ne s'effondrent pas sous l'effet d'un destin horrible, mais entreprennent tranquillement un chemin inverse à celui des textes écrits sur ces parchemins. L'urgence d'un choix éthique s'impose devant les alternatives de la violence ou de l'esthétique. Destruction massive ou poésie. Se déplaçant subrepticement à contre-courant des mots et sautant par-dessus les blocs de papier blanc, les silhouettes de Marduk échappent non seulement à l'éviscération et au démembrement de Tiamat, mais aussi à la « Victimation » elle-même en tant que destin. Elles semblent parier sur la fuite comme étant plus qu'une réaction au danger. Elle devient une technique pour soutenir –– avec défi, avec joie ––le désir au-delà de la réalité, du donné, pour rouvrir le moment vivant de la création. [SLD5] Cixous souligne que les femmes de Spero qui s'envolent sont des « sauteuses au-dessus de l'abîme, » tirant « de leur beauté, de leur air de victoire, de leurs bras levés comme des ailes, de leurs pas impatients de danser » le sentiment qu'elles sont « les filles du rêve de liberté d'une femme jetée dans les prisons invisibles de l'ancienne histoire » (28). Sur ce bond d'insurrection, Cixous discerne que « l'âge des Dissidanses a commencé. Déliés, absolues venant de tous pays, espiègles, qu'elles sont délicieuses et drôles, ces corps qui ne se laissent plus contrarier ! » (67).

INVERSIONS

La dissidanse procède non seulement par remémorations et par bonds, mais aussi par inversion. Cixous s’est toujours intéressée au pouvoir de renversement dans les corps hystériques. Dans La jeune née avec Catherine Clément, par exemple, lorsqu'elles considèrent les patientes hystériques de Charcot à l'hôpital de la Salpêtrière, ces attaques qui ont soutenu une recherche pathologisante sont littéralement retournées par les auteurs pour révéler un épanouissement festif et acrobatique, comme dans d'autres modes de crise à travers divers contextes. Ils écrivent par exemple que "la sorcière et l'hystérique manifestent la fête dans leur corps, font des flips impossibles, permettant de voir ce qui n'est pas représentable, des figures d'inversion" (23). [SLD] Tout comme les figures humaines inversées et l'inversion des proportions entre les formes végétales, animales et humaines dans le Jardin des délices terrestres de Jérôme Bosch, que Cixous et Clément considèrent comme des "illustrations systématiques du contraire de la réalité", la sorcière et l'hystérique opèrent dans leurs contextes culturels corrélatifs en se retournant, renversant, inversant l'impossible et l'irreprésentable, ouvrant une scène de jouissance que Freud décrit à Fliess, où, remarquent Cixous et Clément (je cite), "symptômes et contorsions gymniques sont équivalents, et la femme révèle un singulier pouvoir d'inversion de son propre corps" (47). Si les cultures et les civilisations telles que celles observées par Bosch, Freud, Cixous et Clément produisent des femmes dans les limites des rôles sociaux, en tant qu'objets de satisfaction, par les symptômes et les contorsions, les femmes qu’ils considèrent subvertissent ces rôles, les renversent ainsi que les attitudes et les effets qui leur sont corrélatifs. Ainsi, si une femme "peut représenter une défloration imposée" en "assimilant la tête et le bas", comme le note Freud, elle a aussi le pouvoir de renverser la douleur. Les auteurs de La jeune née se tournent donc vers un mythe que Freud et Nietzsche ont tous deux considéré, le mythe de Baubô :

Chez les femmes, cela provoque le rire, un rire éclatant et philosophique – le rire de Déméter face à Baubô, jupes en l'air, montrant ses fesses. Parce que Baubô montre son autre tête, la tête du désir, que Déméter reconnaît dans la moquerie de la culture. Avoir mal à la tête, se balancer comme des petites filles ou des araignées au bout de leur soie, avoir les pieds au mur, c'est déjouer l'ordre symbolique, le renverser : c'est la fête. (23-24)

Ce rire éclatant et philosophique est important. Il explose au-delà de l’absence de pénis, du manque, de l'angoisse, révélant la vérité de la castration réelle, que le symbolique détourne dans sa révérence de l’ordre social.

La plasticité hystérique des corps est certainement aussi appréciée dans les interprétations des mythes par un des disciples de Freud, Otto Rank, y compris dans les arts visuels. À la base de ses interprétations il y a une logique de jouissance primitive liée à la mère et éventuellement remplacée par "l'angoisse sublimée, le sentiment de culpabilité" lié au père. Dans l’œuvre qui a valu la rupture avec Freud, Le traumatisme de la naissance, de 1924, Rank fait preuve d’une conscience du refus du féminin, lorsqu’il déclare : « une compréhension insuffisante de la vie sexuelle de la femme dans la théorie psychanalytique ». Il y voit « l'expression de ce refoulement primitif qui tente de dégrader et de nier la femme à la fois socialement et intellectuellement en raison de son lien originel avec le traumatisme de la naissance” (66). Le travail d'approche de cette jouissance refoulée y est compris en termes de régression à la mère, ou bien de production créative de l'artiste (homme), tandis que la discordance entre le maternel et le féminin chez la femme est ignorée. Pourtant, cette reconnaissance de la peur des femmes, due à ce qu'il appelle un « lien originel » des femmes avec les origines humaines, expose le fait matériel que, quel que soit notre sexe, chaque être humain est venu au monde en passant par un utérus. Ce fait a bien sûr des effets pulsionnels, en particulier en ce qui concerne, au-delà du point de vue de Rank, l'exposition intime du fœtus et aussi souvent du nourrisson aux expériences d'excès incarnées, inexprimées et inconscientes d'une femme – en termes lacaniens, à sa jouissance. Pour Rank l'enjeu dans la misogynie est donc une angoisse de séparation refoulée, située à la naissance. Pour ma part, je suggérerai que la misogynie concerne le refus du féminin, en particulier, que je distingue des rôles maternels ou conjugaux d'une femme, qu'ils soient potentiels ou réels.

Dans Le traumatisme de la naissance, Rank examine ce qu'il appelle le mythe du Christ, prenant en compte son origine dans l'immaculée conception et sa mort par crucifixion, pour y voir sa façon de contourner le traumatisme de la naissance dès le début et sa mort sur la croix comme un retour douloureusement souligné à l'utérus, en fixant le corps dans la position opposée à celle de l'embryon. En regardant une gravure de 1502 de Lukas Cranach, il compare le Christ à l'un de ses compagnons de péché crucifiés, recroquevillé en position fœtale, en contraste avec les membres étendus du Christ. Ainsi, Rank écrit : "La position idéalisée du Christ sur la croix dans l'art indique un mécanisme de défense ou de punition similaire à celui de l'arc de cercle. Ainsi, le contraste des figures réalistes de Lukas Cranach donne une image de la tendance à l'idéalisation de la représentation artistique, qui semble viser à adoucir, par un traitement esthétique, l'approche trop claire de la condition primitive, lui conférant également un caractère de punition." En d'autres termes, la restauration de la félicité prénatale qu'il comprend comme la condition primitive est déguisée en son contraire par Cranach, en une forme de torture physique qui "adoucit" bizarrement (pour qui ? les spectateurs ? pour une sensibilité protestante naissante ?) le coup de la représentation du désir d'être à nouveau dans le ventre de sa mère. Comme l'hystérique et la sorcière de Cixous et Clément, Rank soutient ici que l'artiste exprime son désir par des renversements, dont l'arc de cercle catalogué par Charcot et lu par Freud comme un geste inversé d'attirance sexuelle pour un autre corps est exemplaire. Mais pour Rank, l'artiste travaille aussi à l'idéalisation pour moduler les pulsions, alors que les inversions que Cixous et Clément mettent en évidence dans le triptyque de Bosch ont un effet plus directement subversif.

De plus, la chose déguisée, révélée ou accomplie par l'hystérique et l'artiste ne saurait pas être une aspiration à l'utérus maternel. Les corps du panneau central du Jardin des délices terrestres de Bosch semblent circuler en grappes sous l'emprise d'une force supérieure qui fait d'eux des composants de formes de vie hybrides plus vastes, comme des parties de plantes. Ils prennent plaisir à manger des fruits gigantesques et à frôler d'autres corps tout en étant les instruments d'une jouissance orgiaque et impersonnelle qui fait penser évidemment au scénario pervers, et aussi à l'interrogation de Lacan sur la jouissance des plantes et du lys des champs. On peut certes imaginer cette scène comme l'expression d'une félicité intra-utérine, ou de la mythique mère primitive que Rank invoque en citant Winterstein, qui « pourrait être tout, l'âme du monde, l'esprit du monde, le développement du monde, le plaisir du monde, la douleur du monde et la délivrance du monde, la lumière du monde, la semence du monde, le péché du monde, et tout ce en quoi on peut voir, par étapes successives, un reflet de l'Être, jusqu'aux légumes mêmes. Elle peut être rire et pleurer, esprit et corps, déesse et démon, ciel, terre et enfer » (173). Mais Cixous et Clément nous invitent à explorer l'idée qu'en inversant le contrôle social des corps dans l'univers chrétien dont Cranach et Bosch ont fait l'expérience, en levant la censure du féminin en jeu dans ce contrôle, un pas est franchi, et ce qui devient nécessaire, c'est un espace autre pour le féminin dans le corps des femmes et une gestion de ses effets dans le rapport à l’autre et dans le lien social. Une fois la censure levée, agir sur la découverte d'une dimension de l'être qui échappe au contrôle de la culture et de la civilisation ne peut plus consister à transgresser systématiquement et perpétuellement tous les interdits liés à un système de croyances. Il ne s'agit pas non plus de restaurer une existence prénatale non castrée.

Une différence importante par rapport à Rank réside dans une conception du travail de l'artiste (qu'il soit figuratif ou non) comme non représentatif, qui soutient la singularité comme capacité d'expression de quelque chose de radicalement nouveau. La singularité implique également que la dynamique du désir ne repose pas sur une base empirique. Elle n’est pas non plus subordonnée à une perte de satisfaction immédiate résultant de l’opération symbolique du langage. Il s'agit d'une rupture de continuité qui inaugure une dimension inobservable et indicible de chaque être humain. Willy Apollon parle de l'effraction du psychisme du nourrisson qui, je cite, "établit des limites limbiques et immunitaires dans la relation de l'individu à son groupe et à son environnement" (SoQ, 6). Cette effraction est accomplie par l'esprit, qu'Apollon définit comme la capacité de se représenter ce qui n'existe pas, de le vouloir et de le créer (SoQ). L'effraction mobilise la pulsion et introduit une quête désirante inconnue, nécessairement hors-langage. Ce que le nourrisson vit, au-delà de la perception, n'est pas seulement incommunicable parce qu'il n'a pas appris à parler. L'entrée dans le langage, structure du lien social, implique en effet en quelque sorte l'oubli de ce sujet d'une quête inconsciente, bien qu'elle insiste dans le corps. Si cette singularité trouve à s'exprimer au-delà du compromis du symptôme, elle apparaît, en effet, comme le « jamaisvu » que souligne Cixous dans un essai sur l’art de Roni Horn, ou encore « l'inouï » qu'invoquait Apollon dans ses premiers travaux sur les voix irréductibles à l'écriture dans la crise de possession du vaudou Haïtien. Quelle que soit la forme que prend ce féminin pour s'exprimer, il va à l'encontre de la fonction culturelle de la femme pour la reproduction idéologique. Il est dissident. En tant que dissidanses, ces passages à l'acte dépassent la subversion, l'inversion, la perturbation, pour réintroduire l'esthétique dans son caractère vivant, incomplet, imprévisible.

Dans La déese Nut II de Spero, la déesse égyptienne dont Spero disperse le torse parmi une multitude de danseurs bondissants, et (au bas de la deuxième bande de papier de droite à gauche) exécute même un arc de cercle détaché du spectacle de l'hystérie dans la relation médecin-patient érotisée que Charcot a entretenu. Ici, Nut, déesse égyptienne du ciel, des étoiles, des mères, du cosmos, ne se contente pas d'arquer son torse vers l'avant dans les gestes traditionnels de protection, d'encadrement, de contenance, de copulation, d'allaitement bovin, mais peut aussi prendre place au bas d'une bande de papier et se pencher en arrière, explorant, sans excuses, d'autres capacités corporelles. Spero s'est intéressée aux techniques précaires et délicates du découpage et du collage de papier sur des fonds de papier, ainsi qu'aux figures de petite taille en tant que gestes féminins dissidents, défiant les techniques de peinture plus permanentes et plus grandioses associées à l'expressionnisme abstrait. Elle considérait ce choix comme faisant partie intégrante de son activisme féministe.

Nous considérons que son travail, vu à côté de Us, indique également que le découpage est essentiel à la création qui accueille le féminin.

La solitude n'est pas la destination ultime d’une voie inouïe –non-Oedipienne, bien sûr– pour le désir, même si elle est un moment important et inévitable dans la rupture avec les rôles culturels pour explorer l'expérience subjective. Rank avait certainement des idées à ce sujet en ce qui concerne l'impulsion artistique. Dans L’Art et l’artiste, il écrit :

« Dans sa lutte incessante pour se libérer des idéologies morales, sociales et esthétiques et des personnes qui les représentent, l'individu passe par un processus disjonctif dont j'ai considéré le processus de la naissance comme le prototype. Mais ce processus, bien que similaire en principe, n'est pas une simple répétition du traumatisme de la naissance ; il s'agit, en gros, de la tentative de l'individu de se libérer de toute dépendance à l'égard d'un état dont il est issu. » (p.374)

Dans le paragraphe suivant, il ajoute :

« J'ai parlé du détachement constant de l'artiste des idéologies antérieures, qui correspondent d'une part à une séparation de l'individu d'un grand tout, et d'autre part à l'extrusion de parties usées de l'ego. Cette double séparation de l'ego de la collectivité et d'une partie de l'ego de sa totalité comprend les deux processus fondamentaux de la vie : l'individuation d'une part, et la procréation ou génération d'autre part. »

Ces méditations entrent bien sûr en résonance avec l'histoire de la séparation de Rank et de Freud. Il est intéressant, en outre, de penser aux ruptures, aux déchirures et aux coupures en relation avec la promotion de la vie en tant que désir au-delà des limites. Cependant, les possibilités offertes par les images de castration de Rank, entre existence individuelle et collective, ego et monde, ne sont pas les seules possibles. Elles semblent insuffisantes dans une esthétique non-œdipienne ouverte par le féminin, où l'on quitte la logique du tout, que ce soit le grand tout ou l'ego en tant que tout. Le passage à l'acte d'un hors-langage n'appartient pas à l'individu ou à l'ego, et si ce passage déstabilise voire brise quelque chose du collectif, il le fait dans la mesure où quelque chose de plus important que le donné et sa conservation est en jeu. Ce quelque chose qui dépasse le conflit de l'individuel et du collectif est de l’ordre de l'esprit au sens proposé par Apollon, dans la mesure où son expérience soutient ce qu'il appelle "l'humain, en tant qu’il serait encore à venir", que je comprends comme l'éthique correspondant à la logique proposée par Lacan du pas-tout, accueillant l’inouï, l’inédit, ce qui dépasse le donné.

Cette esthétique féminine non œdipienne explique peut-être pourquoi Red, le double d’Adelaïde, la protagoniste, est en fin de compte si terrifiant et si efficace.

Adelaïde, une jeune Afro-Américaine tranquille qui, à l'âge de 7 ans en 1986, a subi une rencontre traumatisante avec son double dans un palais de miroirs au bord de la plage à Santa Cruz, en Californie, grandit et devient une mère américaine aisée, légèrement nerveuse mais apparemment adaptée, avec deux enfants, toujours nostalgique de sa carrière éphémère de ballerine, qui se souviendra toujours de la performance qu'elle a donnée à 14 ans sur le pas de deux culminant de Casse-Noisette, le ballet de Tchaïkovski basé sur l'histoire d'E.T.A. Hoffman. Un après-midi d'été sur la plage de Santa Cruz, Adelaïde, adulte, sort brièvement de sa réserve sociale générale pour raconter à Kitty, l'épouse et mère insatisfaite d'une autre famille de quatre personnes, blanche celle-ci et encore plus riche, comment elle a "atteint son apogée à 14 ans" et vécu ce moment glorieux sur scène. La brève conversation entre les deux femmes autour de ce qu’elles auraient pu devenir, est interrompue par le premier signe de l'insurrection qui occupe le reste du film, et par la disparition momentanée du jeune fils d'Adelaïde, Jason, qui préfigure son véritable enlèvement plus tard, ce qui l'entraîne, telle l’Alice de Lewis Carroll, dans le terrier du lapin vers son propre passé.

Des fragments de cette scène remémorée apparaissent finalement à l'écran lorsqu'Adelaïde et Red se retrouvent pour un duel final dans le passage souterrain derrière le palais de miroirs où, jusqu'à l'insurrection menée par Red, les doubles, qu'elle appelle "the Tethered" (les attachés), avaient exécuté sans esprit et sans grâce, voire de manière abjecte (parmi de vrais lapins) les mouvements exacts de leurs homologues à l'air libre. Ce travail de présentation d'un miroir troublant des mouvements qui semblent naturels dans le monde social est pour moi l'une des caractéristiques les plus frappantes de US. Peele a fait appel à Madeleine Hollander en tant que chorégraphe et conseillère en mouvements pour le film. Elle souligne que le fait qu'elle ait compris que les tethered étaient attachés et ne parlaient pas a complètement changé les mouvements des personnages, faisant de sa recherche, je cite, "une combinaison de zombies, de créature animale et humaine, sympathique, mais aussi complètement étrangère en même temps." Ce n'est pas un hasard si Adélaïde choisit un t-shirt de Thriller de Michael Jackson après que son père a gagné à un jeu de carnaval. (Vous vous souvenez peut-être que le clip de Thriller met en scène un certain nombre de créatures macabres qui sortent du sol dans un cimetière pour danser avec un Michael Jackson devenu loup-garou). Dans l’inframonde de Us, les personnes attachées exécutent tous les mouvements, mais sans les décors et les objets qui remplissent l'espace et donnent l'impression d'un sens à l'espace. Cela suggère de manière frappante quelque chose de plus que l'oppression de classe et raciale que Red rend explicite en s'adressant à son double plus privilégié et en s'élevant pour tuer ceux qui sont en surface, et qui constitue un niveau du travail critique du film, comme d'autres l'ont noté. Les mouvements étranges des corps qui ne parlent pas en bas indiquent un hors-langage qui insiste. Le vide du passage souterrain et des gestes insensés sape, en fait, la signification des constructions culturelles qui se trouvent au-dessus. C'est une moquerie de la culture et de ses idéaux de plaisir.

La danse n'est cependant pas un simple mouvement insensé. Alors que Red se remémore ce moment de danse à 14 ans avec Adelaïde, préparant leur duel final, nous voyons de rapides flashbacks de la performance de ballet d'Adelaïde sur scène et des mouvements parallèles de Red sous terre, qui semblent pleins de douleur et de lutte, alternant en contraste avec la fluidité du ballet et l'apesanteur du corps au-dessus du sol, sur la scène. Mais les mouvements de Red ne sont pas simplement mécaniques. Ils évoquent certaines formes de danse afro-diasporique et des arts martiaux basés sur la danse (la break dance et la capoeira viennent à l'esprit, avec des moments où les mains sont posées sur le sol pour s'équilibrer, se déplacer et donner des coups de pied aux jambes à l'envers). Cette juxtaposition du ballet et de son inversion, pleine de « faux pas » tels que courber le dos vers l'avant, toucher le sol, trembler, pousser avec force les murs est certainement subversive, c'est une dissidanse qui change le but de l'action.

Dans le récit de Red, c'est le moment crucial qui a donné naissance à l'insurrection. Voici ce qu'elle dit à Adélaïde :

« Des années après notre rencontre, le miracle s'est produit. C'est alors que j'ai vu Dieu et qu'il m'a montré mon chemin. Tu l'as senti aussi. À la fin de notre danse, les personnes attachées ont vu que j'étais différente. Que je les délivrerais de cette misère. J'ai retrouvé la foi et j'ai commencé à me préparer. Il a fallu des années pour planifier. Tout devait être parfait. Je n'avais pas seulement besoin de te tuer. Je devais faire une déclaration que le monde entier verrait. C'est notre heure maintenant. Notre temps là-haut.

Et dire que sans toi, je n'aurais jamais dansé du tout. »

Cette scène est riche en coupes qui relient le passé et le présent, le haut et le bas, la danse et la parole, le souvenir et le découpage. Elle nous renvoie à la question du découpage que les rouleaux de papier et les figures féminines de Spero m'ont aidée à aborder. La voix étrange, tendue et gutturale de Red, qui résulte de sa vie pendant des années dans un monde souterrain où personne ne parle, souligne de manière inconfortable la matérialité souvent négligée de la voix, de la parole. Combinée à ses mouvements furtifs et aux plans insistants de Red tournant le dos à Adelaïde sans manquer de savoir exactement où elle se trouve, cette voix exprime un corps qui a découvert quelque chose sur ses capacités au-delà de la construction culturelle de la femme et de la sexualité. Et cette découverte est liée à une expérience esthétique vécue à la fois au-dessus et au-dessous du sol, au-delà de toute idéalisation. Peele joue avec le choix d'un grand pas de deux pour cette expérience transformatrice. Comme l'indique le titre de la danse, il s'agit traditionnellement d'un "pas pour deux", d'une danse pour un couple. Pourtant, lorsqu'Adélaïde décide de le danser seule, c’est comme si l'on lisait le "pas de deux" autrement, comme une proscription : pas deux sur scène. Mais le fait qu'il y en ait deux, sur des scènes différentes, semble participer de l'intensité du moment et de ses conséquences, de la connaissance de quelque chose qui s'ignore plus facilement, au-delà des limites limbiques et immunitaires de la psyché, et donc au-delà des limites de l'individu, du groupe et de l'environnement. Alors que Red, âgée de 14 ans, rampe dans l'espace souterrain en haletant, en frappant, en grognant, elle prend conscience de quelque chose à propos de ce qui se passe, à propos d'elle-même et de son environnement. De sa différence. Elle se détache et, contrairement à Adelaïde, Red n'a rien à perdre. Elle commence donc à planifier l'insurrection, "le détachement", en puisant dans des ressources limitées mais indispensables.

Il est touchant de constater qu'elle organise le soulèvement des attachés en leur assignant l’objectif de réaliser la chaîne Hands Across America, issu de l'impression du souvenir qu'avait la fillette de 7 ans de la campagne de 1986 pour lutter contre la faim aux États-Unis. (On peut traduire ça par « Les mains à travers l’Amérique. » Il s’agit d’une campagne du gouvernement qui a vraiment existée). En rassemblant des ciseaux, du papier, la couleur rouge, le t-shirt hands-across-America qu'Adelaïde portait sous le t-shirt de Thriller lors de leur première rencontre, Red dispose des fournitures et des images qui ont soutenu son espace esthétique d'enfant pour maintenant couper et détacher, pour s'élever et détruire les vies et les constructions sociales qui n'ont pas simplement, comme le suggère Todd McGowan, désavoué la castration symbolique dans un tournant pervers du capitalisme tardif, mais qui ont supprimé le sujet du désir au-delà de toute limite assignable. Red agit en effet pour l'humanité. Dans la salle de classe souterraine, elle dit à Adelaïde : « Nous sommes humains aussi, tu sais ? »

Avec Spero et Cixous et à travers la notion de dissidence, nous avons mis l'accent sur l'esthétique comme alternative à la violence en relation avec le féminin comme passage à l'acte d'un hors-langage. Le Untethering a une origine esthétique évidente dans Us, alors pourquoi Adélaïde et Red doivent-ils encore se livrer à un duel à mort ?

Dans une séquence qui fait des allers-retours dans le temps en se servant d’une série de cuts, précisément, pour juxtaposer le pas de deux à 14 ans et le combat au présent, cette danse à mort menée par Red offre à Adelaïde l'opportunité de se remémorer avec son corps, de convoquer un sentiment qu'aucune explication sur le fait de gagner un concours de danse ne peut vraiment capturer, puisqu'il dépasse toute signification culturelle (une des scènes supprimées est une longue conversation entre Kitty et Adelaïde sur la plage, où elle explique son choix de faire un solo avec la musique du pas de deux pour le concours de danse qu'elle remporte). Red représente quelque chose de plus important que la simple possibilité, pour les Tethered, de profiter des biens et du prestige qui manquent au monde souterrain, et même quelque chose qui va au-delà de la reconnaissance de la complicité dans les structures d'oppression. Elle est pour l'anamnèse et non pour l'idéalisation. Red partage une âme avec Adélaïde et veut qu'elle cesse de se détourner de ce qui ne peut apparaître dans le miroir, de l'irréductible Chose en elle-même et chez les autres, dans l'enfant de 7 ans qu'elle était et dans l'enfant que son fils est encore à ce moment-là. Ce fils est un garçon qui n'a pas encore perdu le contact avec la partie de lui-même qui n'apparaît pas dans le miroir, qui la désigne par des dessins et des tunnels de sable, et qui empêche les portes de l'enfermer avec une ambulance jouet presque identique au véhicule réel dans lequel sa mère blessée conduit la famille loin de Santa Cruz à la fin. Adelaïde s'est aventurée à nouveau dans le passage souterrain pour sauver cet enfant, et elle ne le fera pas sans passer par cette inversion et ce renversement complets (qui sont également illustrés par un poirier dans la danse de la jeune Red) pour voir que le véritable danger pour l'enfant ––ainsi que pour la fille pubère d'Adelaïde qui a presque 14 ans et à qui les conseils de ses parents de continuer de courir et d’aller un jour aux jeux olympiques sonnent bien faux–– réside dans le fait de répudier le féminin pour survivre à l'intérieur des limites de la culture et de la civilisation. C'est de ce montage culturel que Red veut détacher la mère des enfants en frappant son corps, la forçant à se souvenir.

Sur le mode esthétique, le passage à l'acte ne se réduit pas nécessairement à un numéro théâtral, à un spectacle visant la distraction et le divertissement sans conséquences, ou seulement celui de s'évader un peu de la réalité, au carnaval. Car le réel reste en jeu. Le pari de l'esthétique, surtout en tant que dissidanse, est le suivant : une dimension censurée de l'expérience peut devenir la source d'une sensibilité différente pour ce qui brise le cadre de l'ego et de l'identité culturelle. Une histoire différente peut être discernée, divulguée, et entrer dans l'écriture sur la base d'un accord avec l'expérience singulière plutôt qu'avec un diagnostic.

ILLUSTRATION

Nancy Spero, Marduk (1986). Ó l’artiste et Courtauld Institute, London

NOTES

(1) Dans une déclaration de 1983, Spero souligne que cette moitié de Tiamat qui devient le ciel est une tentative d'"absolutisation" de "la peur intemporelle, de la haine et de la cruauté envers les femmes" par "idéalisation". "la peur intemporelle, la haine et la cruauté envers les femmes" par "l'idéalisation". Ibid. p. 128.

(2) SE XXIII, 250. Pour une discussion récente de la psychanalyse concernant la misogynie, voir Adam Phillips et Devorah Baum, "Politics in the consulting room" (2019), https://granta.com/politics-in-the-consulting-room/. Gill Gentile réfléchit à ce sujet en gardant à l'esprit les expressions politiques récentes de cette misogynie dans "Vaginal Veritas" (2019), https://analytic-room.com/essays/vaginal-veritas-by-jill-gentile/.

(3) "Épopée de la création", 60-61.

(4) Plusieurs œuvres de Spero réalisées autour de 1968 présentent des scènes de violence et de souffrance et comportent les mots "victimes" et "hélicoptère" dans leur titre. Voir Nancy Spero, pp. 56-63.

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TéLéCHarger

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