11 juin 2022

Le rôle de la psychanalyse dans la déconstruction du racisme à la brésilienne

Andréa M. C. Guerra

Grâce à l’ouvrage précurseur de Neuza Santos (1983), qui est aujourd’hui un classique de la littérature psychanalytique nationale sur la subjectivité du noir, nous avons commencé à combler le hiatus de la coresponsabilité de la psychanalyse dans le cadre de la lutte contre le racisme au Brésil. Santos (1983), dans son analyse où il affirmait que la race blanche s’imposait en tant que modèle au niveau de l’idéal du Moi, a ouvert la voie à une série d’études et de thèses psychanalytiques contemporaines au Brésil (Arreguy, Coelho & Cabral, 2018 ; Braga, 2016 ; Kon, Silva & Abud, 2017 ; I.B. Nogueira, 1998) collaborant à son analyse et combattant le racisme à la brésilienne. L’un des aspects cruciaux de la discussion sur le racisme dans le pays, dans la perspective de la psychanalyse, est que les psychanalystes sont appelés à prendre position. 

En tant que psychanalyste et professeure universitaire dans l’enseignement public, la rencontre avec le racisme institutionnel et l’invitation de collègues français, de martiniquais et d’étudiants brésiliens pour étudier le thème, m’ont conduite à effectuer des recherches sur le racisme au Brésil. Cette expérience personnelle de recherche à ce propos a marqué, dans le réel de mon corps et dans la ferveur des rencontres bimensuelles, l’émergence d’affects permanents de révolte, d’exigence de resignification et de prise de responsabilité personnelle et historique face aux expériences actuelles de préjugés relatées par de jeunes chercheurs(es) noirs(es) appartenant au groupe de travail. En tant que psychanalystes, nous travaillons à la désaliénation et à la désidentification en tant que sujets politiques et nous ne pouvons donc pas nier les effets sociaux et symboliques du racisme qui placent le noir dans une position d’être inférieur et primitif de façon stigmatisée et rigide. La mise à nu et la déconstruction des engrenages du racisme – comme fait de discours organisant les corps, les subjectivités et les pouvoirs au sein des hiérarchies sociales et sur les plans inconscients –, m’ont donc menée, comme psychanalyste, à dialoguer au niveau politique et clinique à propos des intérêts de classe et de race, à prendre position au sein du débat démocratique (Laurent, 2007), à énoncer d’où je parle et à travailler pour élucider et surmonter le racisme à la brésilienne. 

Dans cet article, fruit de la révision de la littérature à propos de l’état du racisme au Brésil, réalisé sous la forme d’une recherche bibliographique d’exploration du thème, nous traiterons des aspects historiques de l’esclavage au Brésil en tentant, avec la psychanalyse, de mettre en évidence les mécanismes inconscients contribuant à sa permanence qu’il s’agit de surmonter. En tant que pays colonisé, économiquement émergent et politiquement en phase de transition démocratique, le Brésil a contribué et directement souffert des conséquences de la diaspora noire. Les séquelles de l’esclavage et de la négligence envers les affranchis ont imposé un intervalle d’un siècle de non-assistance à cette population au sein du pays. Ce n’est qu’avec la Constitution de la République Fédérative de 1988, un siècle donc après la promulgation de la Loi Áurea (1888) - loi qui a aboli l'esclavage au Brésil - "que des politiques de réparation envers l’esclavage africain au Brésil ont été élaborées" (Mattos & Abreu, 2013, p.107). Un nouveau seuil légal fut donc atteint en défense de la valorisation de l’identité noire et de la mémoire des ancêtres captifs grâce à l’article 68 qui reconnait des droits territoriaux aux descendants des communautés quilomboles 1. 

La condition du racisme contre les noirs au Brésil ne semble donc pas être éventuelle ou aléatoire, mais elle est plutôt le fruit économique, politique, esthétique et discursif de la manière dont s’est constituée la relation entre les couleurs de la peau et les races au sein de notre territoire. Ici, avec le savoir-faire de la psychanalyse, nous nous limiterons à certaines perspectives de ce spectre causal complexe, à savoir, les perspectives en lien avec la construction du racisme à la brésilienne, ses mécanismes structuraux discursifs et langagiers et celles qui font référence à la subjectivité du noir et à l’expérience avec les idéaux de la race blanche.

Implications objectives et subjectives de l’esclavage au Brésil

Ce n’est qu’en 1988, avec l’ouverture démocratique du Brésil qui mit fin à la dictature miliaire instituée par un coup d’état en 1964, que fut créée une politique de réparation des dommages survenus du fait de l’esclavage africain au sein du pays (Mattos & Abreu, 2013) ; mesure qui n’est donc intervenue qu’un siècle après la promulgation de la Loi Aurea mettant fin à l’esclavage au Brésil. Le Portugal, siège royal de la colonisation et de l’exploration des terres brésiliennes, est le pays qui a produit le nombre d’esclaves le plus important de l’histoire du monde. A lui seul, au long des périodes coloniale et impériale, il a asservi un nombre effrayant de captifs africains transportés au-delà de l’Atlantique (4,650 millions) et a donc largement contribué à créer la diaspora noire qui ravagea les afro-descendants dans le monde (Dorigny & Gainot, 2017). Entre 1550 et 1780, les ports brésiliens furent à l’origine de la traite "d’environ 40 %" de tous les Africains débarqués dans les Amériques" (Curtin, 1969 cité par Florentino & Góes, 2017, p.150). Avec la mise en place du projet A Rota dos Escravos (La Route des Esclaves) en 1994, l’UNESCO a collationné les données mondiales et brisa le silence à ce propos en déclarant que la traite transatlantique peut être considérée comme l’une des plus importantes tragédies de l’histoire de l’humanité considérant l’amplitude spatiale et temporelle des dommages imposés au continent africain. 

Selon les informations du site de l’UNESCO au Brésil, ce projet a eu un impact significatif depuis sa création en 1994. Il a notamment contribué en 2001 à la reconnaissance officielle de la traite d’esclaves en tant que crime contre l’humanité. "Suite à une proposition de Haïti et d’autres pays africains, l’UNESCO a mis en place le Projet A Rota do Escravo (La Route des Esclaves). Nous avons pris la précaution d’adopter une approche holistique et non accusatrice afin de rétablir le dialogue. Nous nous devons de comprendre cette tragédie qui a divisé l’humanité ; garder le silence à propos de ce fait historique constitue un obstacle pour construire la paix et la réconciliation. L’UNESCO a inséré avec succès la traite des esclaves dans l’agenda international en même temps qu’elle permettait la consolidation de connaissances scientifiques sur ce sujet dans but de sensibiliser le monde" a indiqué Ali Moussa Iye, Directeur du Projet (Organisation des Nations Unies [ONU], (2014).

Nous comprenons que, du point de vue historique, la relation politique, économique, discursive et symbolique qui a émergé dans notre pays dans le contexte du racisme contre les noirs, fut imprégnée des conditions intrinsèques à l’histoire, à la structure sociale et économique, à la culture nationale et à la politique des corps. La transition de la condition du noir d’une position d’objet-marchandise à celle de sujet-citoyen ne s’est pas faite sans effets sur sa subjectivité. Ainsi, avant d’organiser le champ de ces conséquences sous leurs aspects principaux, nous nous attèlerons à analyser leurs conditions historiques et sociales en cernant les points importants de l’expérience noire au sein de l’esclavage dans le pays. La cartographie de cette transition nous permettra de comprendre les grammaires des corps et des affects qui configurent la logique de leurs résultats en tant que construction discursive et processus de subjectivation marqué par le scénario de l’esclavage.

Nous savons que tous les documents en lien avec l’esclavage au Brésil ont été brûlés sur ordre présumé de Rui Barbosa avec la Proclamation de la République ; une façon d’effacer cette période de l’histoire et d’oublier la violence engendrée (Lacombe, Silva & Barbosa, 1988). Par ailleurs, des recherches consacrées à la période de l’esclavage coloniale et impériale (Chalhoub, 2011 ; Fernandes, 1978 ; Florentino & Goes, 2017 ; Mattos, 2013 ; Nascimento, 2017 ; Slenes, 2011) ont permis de récupérer la mémoire et la coresponsabilité sociétale inhérentes à la mémoire nationale. On peut y distinguer les études sur la constitution de la famille esclave qui présentent des controverses quant à l’interprétation de sa fonction politique et sociale, particulièrement dans le cadre du maintien de l’ordre dans les quartiers des esclaves, sous le commandement et le contrôle des maîtres propriétaires. 

Le manque de femmes et l’arrivée de "nouveaux esclaves" débarquant sur les terres brésiliennes créaient des problèmes spécifiques de contrôle social et d’adaptation. Pour les propriétaires terriens, il était essentiel de garantir l’ordre et la productivité agricole alors que les esclaves considéraient qu’il leur fallait créer quotidiennement des stratégies d’alliance politique entre eux. L’une d’elles était de former des familles et des groupes d’amis en captivité. Selon Florentino et Goes (2017), au sein de cette situation de conflit structurel, la terreur et la cruauté du maître n’étaient pas seules à perpétuer l’esclavage car la configuration de familles à structure singulière ainsi créées y contribuait également. 

A partir du noyau primaire (père, mère, enfant) au secondaire (oncles/tantes, cousins/cousines et grands-parents), il s’agissait, pour les captifs, d’inclure les trois générations de façon élargie, esquisse du modèle typique de familles des banlieues et des régions rurales du Brésil d’aujourd’hui. La procréation et la monogamie suivaient les règles de captivité, dictées généralement par l’homme le plus âgé, qui était chargé de maintenir l’ordre interne et qui détenait le monopole pour choisir les femmes plus jeunes à marier ; une réitération de la coutume culturelle de certains peuples africains. Le mariage reconnu par l’église catholique était le plus courant, mais ce n’était pas le cas de la majorité des couples dont les relations étaient moins stables. "Sans être un instrument direct de contrôle du maître, la famille esclave fonctionnait comme un élément de stabilisation sociale et permettait au maître d’obtenir une rente politique" (Florentino & Goes, 2017, p.151). Malgré tout, ce n’étaient que des liens précaires et très souvent les noirs et les mulâtres étaient méfiants les uns envers les autres.

Selon Slenes (2011), bien que la famille captive ait fourni aux propriétaires des plantations un instrument puissant de contrôle social, c’est grâce à celle-ci que les esclaves ont pu se recréer un abri, un refuge pour aimer et survivre. Construire une famille en captivité a aidé de nombreux esclaves à conserver leur identité et à combattre efficacement les pressions psychologiques de l’esclavage. Slenes constate que la procréation et la mortalité chez les esclaves étaient plus importantes dans les grands domaines où il existait plus de mères célibataires qui, très souvent, ne trouvaient pas de maris (Slenes, 2011).

Comme la majorité des esclaves transportés vers le Sud-Est du Brésil entre la fin du XVIIIe siècle et 1850 provenait de l’Afrique Bantoue et Centrale avec une prédominance du Congo, de l’Angola et aussi du Mozambique (Florentino & Goes, 2017), les liens de famille et d’affiliation entre les esclaves garantissaient la perpétuation de coutumes africaines, comme celles liées au symbolisme du feu et de l’eau ainsi qu’aux hiérarchies internes. En ce qui concerne les maîtres, Florentino & Goes (2017) reconnaissent qu’ils stimulaient les mariages entre esclaves pour maintenir la cohésion, l’ordre et la paix dans les cabanes en signe de protection, d’amitié et de fidélisation. Les maîtres en arrivaient même parfois à "offrir" leur nom de famille aux fiancés pour étendre leur domination. Les auteurs soulignent toutefois la dimension de l’affect et de la reconstitution des traditions africaines au sein de leurs études.

La violence, la terreur et la cruauté explicites ainsi que les modes de vie insidieux et subliminaux de domination ne furent cependant pas suffisants pour perpétuer l’esclavage. Son abolition, historiquement rapportée comme une concession de la Couronne Portugaise, fut en réalité engendrée par des impasses politiques internationales face aux intérêts économiques de l’Angleterre, en quête de nouveaux marchés et également par des luttes politiques internes entre les défenseurs de l’esclavage, de l’affranchissement et de l’abolition. Par ailleurs, il est important de souligner les trois grandes stratégies de défense des Africains face à la commercialisation et à la traite de leurs corps. Elles ont pris forme par des actes de résistance qui allaient de la rébellion quilombole en passant par la conquête de la légitimité légale (affranchissement, le droit de "vivre de soi", les gains légalisés) jusqu’aux tentatives de transformation dans la culture et la législation par la judiciarisation des routines du progrès concédant de nouveaux droits et conquêtes à la population esclave. Dès le début de l’esclavage, il existait donc des mouvements de résistance et de soutien à la transformation du scénario esclavagiste. 

L’abolition de l’esclavage a donc ainsi été précédée par une situation de perte croissante de légitimité (Mattos, 2013). Des aspects comme la mobilité géographique, la stratification raciale, le droit à la terre pour survivre, l’accès à la propriété, la vie en communauté et la constitution d’une famille, les conditions du repos nocturne (libre ou enfermé) et, particulièrement, la possibilité de "vivre pour soi" ont fait que les conditions de vie des esclaves étaient variables. La condition sociale des noirs libres étaient proches de celles des hommes blancs pauvres. Certains esclaves se rapprochaient de la situation des affranchis en accédant à la terre pour cultiver pour leurs propres besoins. D’autres, appelés esclaves "de gain" travaillaient en dehors des plantations et constituaient un pécule pour leur affranchissement. Lorsque les esclaves construisaient des liens familiaux solides entrecroisés de relations verticales de parenté, ils formaient des réseaux robustes de solidarité qui leur permettaient d’obtenir de meilleures conditions de vie et, dans certains cas, d’être affranchis.

La pression internationale, alliée à la variabilité croissante et à l’instabilité interne, ont conduit à un processus d’abolition progressif, réalisé par des lois accordant des avantages de façon graduelle aux esclaves : 1. Loi Eusébio de Queirós (1850) qui mit fin à la traite des esclaves transportés dans des "bateaux négriers" ; 2. Loi du Ventre Libre (1871) qui libéra à partir de cette date les enfants nés de mères esclaves ; 3. Loi des Sexagénaires (1885) qui affranchit tous les esclaves de plus de 65 ans ; 4. Et finalement la loi Áurea, promulguée le 13 mai 1888 par la Princesse Isabel qui mit fin au travail esclave au Brésil et libéra environ 700.000 noirs africains encore esclaves au Brésil. 

La Loi Áurea fut précédée par la concession d’affranchissements en masse en 1888, année de l’abolition de l’esclavage, vu l’imminence de sa promulgation et comme stratégie économique et sociale dans une tentative de maintenir le contrôle par la soumission personnelle. La thèse des abolitionnistes considérait que la liberté inconditionnelle éviterait des fugues en masse et permettrait de retenir les affranchis dans les exploitations afin de garantir un travail organisé et le bénéfice des récoltes. Mais ce ne fut pas le cas.

Une lutte interne a également vu le jour au sujet de questions foncières, comme le débat sur le partage des terres nationales. Il existait une proposition de créer un impôt sur les exploitations non productives et de distribuer les terres aux ex-esclaves, ce qui inquiéta les propriétaires terriens, les républicains et mêmes les abolitionnistes les plus modérés. Ce modèle de distribution foncière ne fut pas approuvé et l’abolition s’est imposée sur la base d’une alliance du mouvement républicain avec les grands propriétaires terriens pour bâtir les conditions de cette politique. 

C’est de cette façon, pour des intérêts faussement singuliers, internationaux et nationaux, que la Loi Áurea a été promulgué sans octroyer de compensation ou d’alternative pour les affranchis afin qu’ils puissent s’insérer dans le nouveau Brésil libre. La période qui suivit l’abolition – datant la fin de la condition juridique du corps et de l’identité politique du noir, qui devient homme libre- fut marquée par les conditions urbaines bourgeoises et par la propre expérience de liberté de l’ex-captif qui rendirent difficile son adaptation à sa nouvelle condition. Les femmes se sont mieux adaptées que les hommes à la routine des activités rémunérées qu’elles exerçaient déjà en tant que domestiques, couturières ou cuisinières.

Par contre, l’homme noir peina à reconnaître l’aspect contractuel du travail comme un exercice de liberté. Les maîtres eurent également des difficultés à restaurer leur pouvoir sur l’homme esclave après l’abolition dans le contexte d’un scénario tendu. Les hommes noirs se sentirent à nouveau méprisés dans leur condition d’employé, comme s’ils actualisaient leur condition de servitude. En outre, il n’existait pas d’alternatives d’insertion professionnelle ou sociale, ni de compensation financière pour les soutenir ou les former à des habilités professionnelles et sociétales spécifiques, ni de concession de terres, de politiques compensatoires ou émancipatrices face à la perte historique accumulée durant la période de l’esclavage. 

Les conditions de la dynamique et des habitudes urbaines et bourgeoises des villes capitalistes se sont superposées à cette situation de conformation d’un nouvel ordre social et économique. Ainsi, les formes traditionnelles de défense et de résistance à l’oppression, négligées par les historiens, ne sont apparues que très tardivement au fil des pages de l’histoire brésilienne. Elles soulignent une lente transition, mise en place par la lutte politique des noirs dont la représentation fut associée à des victimes, des héros ou des ennemis de la culture nationale (Chalhoub, 2011) qui stigmatisa les noirs et fit de la reconnaissance de leur historique de domination et d’exclusion un exercice difficile. C’est pour cette raison qu’il s’agit donc de les déconstruire car elles occultent la présence concrète et la valeur de l’homme noir dans l’histoire nationale. A ces stigmates s’ajoutent ceux en lien avec l’image et l’identité de la femme noire qui réduisent ses expressions singulières en figures délétères de sévices, de mondanité et de manque de scrupules.

On voit donc que la dynamique de la vie quotidienne, avec ses contradictions et hiérarchies, fut écrite à la manière de la classe blanche dominante. La "théorie esclave = chose" qui suppose une capacité de réflexion et une systématisation dans l’appréhension de la réalité par le noir esclave, est devenue une théorie courante. Dans cette théorie, l’esclave aurait perdu la fonction cognitive et intellectuelle à cause de la dureté de sa réalité et il est donc vu comme un dégénéré dans sa condition de "chose" (Chalhoub, 2011), se révolterait ou réagirait au crime, selon certains auteurs de renom. Sous couvert de la science, naissaient et se consolidaient des théories préjudicielles dominantes. A partir de l’idée de "chosification sociale", la conscience de l’esclave fut considérée comme un miroir de celle du maître ou comme un complément masochiste de ses désirs, en désubjectivant ou encore en deshumanisant l’expérience du noir.

Cette construction discursive s’est alliée à la configuration de l’identité nationale de l’homme brésilien, taxé de cordial et de nonchalant, paresseux et sans ambition. Dans la littérature anthropologique classique (Freyre, 2006), la grande maison et les cabanes des esclaves (a casa grande e a senzala) forment ensemble l’expression de l’architecture sociale de la période coloniale et la représentation d’un ancien système économique, social et politique de production (monoculture latifundiaire), de travail (esclavage), de transport (char à bœufs), de religion (catholicisme de famille), de vie sexuelle et de famille (patriarcat polygame), d’hygiène du corps et de l’habitat, de politique (le favoritisme). La stabilité patriarcale portugaise aurait été portée par les piliers du Sucre (fabrique de sucre) et du Noir (senzala = les cabanes) et constitua la civilisation la plus stable de l’Amérique Luso-Hispanique. Les relations entre blancs et "races de couleur" seraient donc conditionnées, d’une part, au système de production économique (monoculture latifundiaire) et, d’autre part, au manque de femmes blanches entre les colonisateurs (miscégénation).

 

Freyre (2006) fut durant des décennies l’icône du culturalisme brésilien, mais il fut durement critiqué par la suite pour ses propositions, telles que : le manque de femmes blanches aurait créé, entre autres conséquences, des zones de cofraternisation entre les vainqueurs et les vaincus – tout en maintenant la hiérarchie des supérieurs et inférieurs – mais qui aurait corrigé la distance sociale et agi dans le sens d’une démocratisation raciale au Brésil. Vu comme contemporain et plasticien, le portugais aurait garanti une communication supposée entre les races. La manière de l’approcher montrait que le portugais pouvait accepter les différences sans perdre toutefois son essence originale. Le métissage veillait à la tyrannie privée et la contaminait de cofraternisation ; l’inégalité despotique apparaissait, de façon ambivalente, parallèle à l’intimité et à l’affectivité (Souza, 2012a). 

Sous une perspective critique, le patriarcat de fait exercé n’imposait pourtant pas de limites à l’autorité personnelle du maître des terres et des esclaves car il fournissait, sous la figure d’un "hyper-individu", un "protectorat personnel" et un " sens aigu de la famille", existant encore aujourd’hui dans le modèle familial et communautaire brésilien (Souza, 2012a). La monoculture latifundiaire aurait causé des maux encore plus profonds à la structure sociale, comme, par exemple, l’hyponutrition et la faim chronique qui, associées à la syphilis, ont conduit à créer des discours de "races inférieures" ou de "sous-races" dans la formation brésilienne. Tout cet arsenal a renforcé le courant théorique et culturel dominant dans la lecture du colonisateur blanc au sujet du noir chosifié.

Effectivement, toutes les stratégies de domination blanche furent révélées au fil de l’histoire par la construction sociale de la race blanche en tant que synonyme ostensif d’une supposée Humanité. Etre blanc, en ce sens, impliquerait d’être humain, une espèce de catégorie universelle. Tous les privilèges de la propriété de cette catégorie de couleur supérieure se sont constitués en indicateurs d’insertion créant des équivalences de succès pour les blancs et des indices de mortalité pour les noirs (Nascimento, 2017). 

La première grande condamnation de cette condition politique au Brésil peut être décrite comme une tentative de reconstruction du drame que le noir avait vécu pendant la période d’adaptabilité aux moules de la société de travail libre durant les années après l’abolition, fruit d’un passé rustique et dégradant du point de vue social, culturel et moral, ce qui aide à comprendre le désajustement social de l’ex-captif dans la société de l’époque (Fernandes, 1978). Le travail libre contractuel, le rôle important des migrants dans la diminution des opportunités de travail pour les ex-captifs et l’évolution urbaine et bourgeoise, associé au "déficit noir" de l’esclave sans formation et préparation pour être inséré dans le marché du travail furent, comme nous l’avons vu, les facteurs précurseurs prépondérants du désajustement du noir. Le manque de préparation matérielle et sociale et la manière de faire usage de la liberté récemment conquise se sont alliés à l’introduction du régime libéral capitaliste et aux besoins de surmonter le retard historique brésilien pour transformer les relations sociales et de travail de cette époque au prix d’une inadéquation du noir esclave récemment libéré au nouveau modèle économique en ascension. 

Le captif a toujours représenté un danger constant ; c’est pourquoi il a constamment été éloigné de tout "développement de la vie sociale organisée" et, par conséquent, n’a pas eu accès à la préparation nécessaire pour sa future immersion dans une société urbaine aux caractéristiques compétitives dont il n’était pas l’acteur principal, et ni même le second rôle. En tant qu’affranchi, il n’était pas conscient de comment agir et former une volonté collective. Sa culture a donc été étouffée, pervertie par les blancs sous ses yeux alors qu’il ne possédait pas la force suffisante pour se protéger (Nunes, p.251).

D’un côté, on trouvait donc la main-d’œuvre libre blanche européenne, dotée de savoirs techniques et insérée dans le mode contractuel de la production capitaliste et de l’autre, la main-d’œuvre noire, dont la liberté n’était pas reconnue par les propriétaires terriens, qui refusait d’être domestiquée en tant qu’affranchie. Les hommes noirs n’acceptaient pas de travailler de façon dégradante comme par le passé et finirent par être considérés comme des vagabonds sans responsabilité. L’Etat, quant à lui, n’a fait aucun effort pour élaborer une politique d’inclusion et de compensation et les a abandonnés à leur propre fortune. L’immigrant européen s’intègre donc au même rythme que le noir africain est exclu. Face à cette réelle détresse, il ne restait plus à celui-ci que la marginalisation : faire partie des ouvriers malfamés des villes ou chercher par "l’oisiveté dissimulée" ou le "vagabondage systématique" ou dans "la criminalité fortuite" le moyen de sauver les apparences et la dignité de "l’homme libre" (Fernandes, 1978, p.28).

L’homme noir ou métis, avec des difficultés d’insertion dans le système de travail, survit grâce à des occupations temporaires et, durant son temps libre, il fréquente en général les bars ou les terrains vagues. Même s’il n’est pas le but central, l’alcool commence à apparaitre avec une certaine fréquence et conduit un grand nombre de noirs à la décadence par l’alcoolisme. Ces rencontres servaient surtout à ce que ces hommes puissent partager leurs problèmes et qu’ils puissent réfléchir à leur situation grâce à l’exploration de l’expérience humaine, mais également, et peut-être principalement, afin de diminuer les tensions entre noirs et blancs et éviter ainsi de créer un conflit ouvert entre eux (Nunes, 2008, p.252).

La Constitution de la République des Etats Unis du Brésil de 1891 célébrait l’égalité juridique du brésilien, mais perpétuait l’inégalité cruellement établie depuis l’Empire. Nascimento (2017) dénonce le progrès structurel et systémique de cette inégalité en lui attribuant le nom suivant : génocide.

L’installation de la population noire en zone rurale du fait des plantations a souffert avec les processus de migration rurale dans le pays au cours des décennies d’accélération industrielle du XXe siècle, lequel, allié à la paupérisation causée par l’inégalité de répartition des revenus, a déplacé une partie de cette population dans les zones périphériques urbaines à exclusion sociale tout en aiguisant le racisme. L’image du noir de la périphérie urbaine de distingue de celle du travailleur servile et est associée à celle du criminel. Le noir devient dangereux à cause de la couleur de sa peau.

Le travail qui rendait digne a acquis "une connotation de précarité et d’humiliation" (Feltran, 2011, p.72) remettant à l’ordre du jour l’expérience de l’ex-captif tout au long du XXe siècle. Le crime est devenu une nouvelle condition d’ascension sociale, à côté de la lutte quotidienne pour survivre. Le sujet criminel et le sujet batailleur polarisent la scène des banlieues et fusionnent des valeurs auparavant bien distinctes finissant par déformer la frontière traditionnelle de la légalité.

Parmi les batailleurs en ascension et la dernière catégorie de brésiliens, qui reste passive dans l’attente d’un geste de l’Etat, la population noire et pauvre commence à voir un nouveau voile dissimulant racisme qui porte le nom de différence de classe (Souza, 2012a). Une autre association qui, dans le scénario brésilien, occulte le racisme endémique que nous avons structuré. La transmission du capital familial s’allie à celle du capital économique et culturel, et parfois scolaire, et différentie l’ultime catégorie de la classe des "batailleurs" par l’internalisation et l’incorporation des dispositions du monde du travail moderne : corps automatique, discipline, autocontrôle et action prospective (Souza, 2012a). Sa transmission reproduit la situation du privilège et des hiérarchies sociales et économiques. Une nouvelle soustraction du corps symbolique par le capital.

Et pendant ce temps-là, toutes les 23 minutes, un homme jeune, pauvre et noir meurt au Brésil – non pas de dépaysement- mais assassiné à cause de son engagement criminel.

"Entre les maladies chroniques…, l’une d’entre elles, l’un des principaux fléaux chroniques dont souffrent les esclaves, celui qui les mène à la tombe au fil du temps, est le banzo. Le banzo est un sentiment qui s’enracine dans les entrailles pour n’importe quel motif, comme par exemple : le manque de la famille et du pays ; l’amour ; l’ingratitude et la trahison des autres ; les réflexions profondes sur la perte de liberté ; la méditation continue sur la cruauté du traitement qui leur est réservé ; ces mauvais traitements qu’ils supportent et tout ce qui les plonge de la mélancolie. C’est une passion de l’âme, à laquelle ils se rendent, ne cessant qu’à leur mort : c’est pour cette raison que l’on dit que les noirs africains sont extrêmes, fidèles, résolus, constants et susceptibles de l’ultime extrême d’amour et de haine (…). J’ai parfois observé ce même banzo au Brésil qui avait tué de nombreux esclaves, mais toujours à cause des effets de la dureté avec laquelle ils étaient traités par leur maître" (Mendes, 1977, p.61-62).

Conséquence mortifère d’une répétition historique qui, niée de façon traumatique, persiste à s’inscrire contre sa volonté au fil des pages de l’histoire brésilienne. Or, que ce soit par ambivalence ou par négation, que se passe-t-il dans le contexte national qui rend le racisme brésilien tellement violent ? Nous avançons de trois pas dans cette analyse.

La préhistoire du racisme structurel

"Il y a quelque chose de symptomatique du point de vue psychanalytique dans 'l’oubli' brésilien relatif à l’esclavage" (Souza, 2012b, p.102). Cette configuration mérite d’être analysée en détail, au-delà de l’acte explicite de Rui Barbosa, ministre de la République Vieille (1889-1930) qui, comme nous l’avons vu, a fait brûler toutes les archives concernant l’esclavage au Brésil dans le but de faire oublier les crimes abominables commis en son nom. Cependant, la psychanalyse nous a déjà enseigné, ainsi que l’histoire, que les traumatismes se surmontent par le diapason des mots, par l’inscription et le souvenir, et non pas par l’oubli ou le déni qui aiguisent les effets délétères de toute forme de violence, qui revient d’une manière différente par le biais des mécanismes de défense. Au Brésil, il semble que nous nous trouvons face à une sorte de déni pour lequel la psychanalyse nous fournit une instrumentalité analytique très riche à déchiffrer. Voyons comment dans ce qui suit.

En premier lieu, il est important de rappeler que, du point de vue historique, depuis le début du XVIe siècle, les Amériques "avec leurs natifs à l’opposé des règles et des standards, ont toujours représenté un lieu de projection fondamental" (Schwarcz, 2017, p.94). Il n’existait pas, à cette époque, d’endroit pour des hommes aussi différents et le Nouveau Monde était un défi pour la logique de la représentation occidentale européenne de l’humanité. Sa différence altéritaire exigea, au cours des siècles suivants, un binarisme divisant la production intellectuelle. Tantôt débiles et immatures, peuples sauvages et primitifs, tantôt simplement différents selon un courant minoritaire du XVIIIe siècle, la théorie de la dégénération a transformé le signe – noir- en nom de "bêtes décadentes, très éloignées de n’importe quelle possibilité de perfectibilité ou de civilisation" (Schwarcz, 2017, p.95). 

La polarisation technique entre les monothéistes qui croyaient aux Ecritures et à l’origine unicitaire de l’humanité, et les polythéistes qui défendaient l’existence de plusieurs centres d’origine et de diverses scissions fondamentales de l’humanité, ont coloré le scénario de la pensée intellectuelle du XIXe siècle. La théorie évolutionniste, avec les notions d’aptitude, d’adaptation et de lutte pour survivre, envahirent la médecine, la philosophie et le début de la théorie sociale créant une perspective connue sous le nom d’évolutionnisme social. Celle-ci prêchait l’existence de phases distinctes de l’évolution de la civilisation qui allaient de la sauvagerie à la barbarie. L’unicité de l’origine fit son retour de façon intense, ainsi que les préjugés scientifiques contre la différence. 

Le darwinisme s’est également penché sur l’évolution sociale en considérant que la race est un facteur essentialiste, un "concept essentiel et ontologique et courant de la biologie" (Schwarcz, 2017, p.99). Les déterministes sociaux et géographiques se sont partagé la tâche en quête d’une explication scientifique pour les différentes cultures. Les premiers se sont concentrés sur la thèse du groupe, au détriment de l’individu, pris en tant que somme d’éléments physiques ou moraux de la race à laquelle il appartenait. Tout croisement serait une erreur et engendrerait une malformation. La miscégénation était donc associée à la dégénération et c’est ainsi qu’est née la fascination pour la race pure. L’eugénisme de Galton était légitimé. D’un côté, l’évolutionnisme social avec l’unicité de l’origine et, de l’autre, le darwinisme social avec l’essentialisation de la race ont fait de cette dernière l’un des concepts les plus opérants à cette époque, en naturalisant la différence, en discriminant les hiérarchies entre les peuples, forgées par la "science" pour servir d’idéal politique à l’horizon de la lutte économique et sociale.

SIÈCLE XVI SIÈCLE XIX SIÈCLE XX

 

.Grandes Navigations .Évolutionnisme .Déconstruction

.Noires et Índigenes (Dégénérescence/Eugénisme) génétique

.Différence .Évolutionnisme social des théories raciales

reconnue (unicité d'origine) .Race = Construction sociale

comme primitivisme .Darwinisme social pour la maintenance

et sauvagerie (essentialisme racial) des privilèges de groupe

Pourtant, dès la seconde moitié du XXe siècle, la science biologique avait démontré que la race n’existe pas. Des études génétiques ont prouvé qu’il existe plus de différences entre deux individus quelconques qu’entre deux races ou groupes ethniques. Il ne serait donc pas possible de connaitre exactement la race d’une personne avec la seule étude des gènes.

Il faut savoir que les races humaines n’existent pas du point de vue génétique ou biologique (Templeton, 1999). Seuls 5 à 10 % de variation génomique humaine ont lieu entre ce que l’on appelle les "races". De plus, 0,01 % des nucléotides composant la séquence du génome humain varient entre deux individus. En d’autres termes, toute la discussion raciale est basée sur 0,0005 – 0,001 % du génome humain ! (Penna, 2005, p.336).

Cependant, même si le concept de race ne possède aucun fondement biologique, il continue à être utilisé en tant que construction sociale, comme une façon de privilégier et différencier les cultures, langues, croyances et groupes différents, lesquels, très souvent, légitiment des intérêts économiques très différents. En d’autres termes, les catégories "raciales" humaines ne sont pas des entités biologiques ou des catégories validées par la science, mais des constructions sociales. Le concept de race est toxique, contamine les populations et légitime l’oppression, l’exclusion et l’inégalité (Guilroy, 2000).

Aspects du racisme à la brésilienne

Dans le contexte national, la spécificité historique et culturelle du pays est à l’origine d’une façon particulière de vivre le racisme, marquée par l’ambiguïté et par le négationnisme, peu sensibles à l’appel de la raison. A l’inverse du racisme en Afrique du Sud, aux Etats-Unis ou de celui du nazisme, au Brésil, le racisme est implicite, non réglementé, ni officialisé. Il n’est pas non plus construit sur la base de la pureté du sang ou sur la supériorité ou l’infériorité raciale (Munanga, 2017). L’esclavage et le déni gouvernemental, sociétal et individuel de la responsabilité de son maintien et de ses conséquences a engendré une logique de déni du racisme, marquée par la projection défensive et sociale des préjugés et par le désir d’effacer la différence qui laisse des séquelles compte tenu de l’ambigüité avec laquelle le racisme est traité dans le pays. Le modèle du préjugé national est celui de l’adscription (attribution) à l’autre. Personne n’a d’idées préconçues, mais tout le monde est d’accord que le racisme existe au Brésil. 

En outre, la théorie de la miscégénation, comme nous l’avons vu, a produit une idéologie de cordialité entre les races, alimentée par des études anthropologiques sur la base du métissage en tant que symbole de l’identité nationale et culminant dans le mythe de la démocratie raciale. "Notre violence quotidienne, du 'racisme cordial' typique de la culture brésilienne (brasilidade), refuse la négritude et cantonne le noir dans un rôle de victime de la violence" (Vannuchi, 2017, p.68). Un autre mouvement a également vu le jour, en direction du blanchiment en tant qu’idéal social et inconscient (au niveau de l’idéal du moi) et élevant la couleur de la peau à une catégorie de statut et d’identité, comme nous l’aborderons par la suite. Ainsi, 

(…) une enseignante universitaire a trouvé étrange qu’un technicien du recensement de 1980 ait noté qu’elle était de race blanche. Lorsqu’elle s’en est plainte, en indiquant que sa couleur de peau était noire comme celle d’un corbeau, le professionnel lui a donné la réponse suivante : 'Mais, vous n’êtes pas professeure de l’Université de São Paulo ?' (Schwarcz, 2017, p.111-112).

Au mythe de la démocratie raciale et ses effets de dissimulation du racisme dénoncé comme crime de lèse-humanité par l’UNESCO, s’est ajoutée la superposition de la distinction de classe à celle de race, comme un autre voile couvrant la structure de notre racisme. La distinction de classe sociale et la haine qu’elle suscite entre les Brésiliens – ce qui conduisit Chomsky (2018) à affirmer durant une interview qu’au Brésil, la haine des classes est supérieure à celle des races, - en réalité, c’est un autre trait du racisme à la brésilienne. 

La "race sociale" et ses variations sémantiques dans la construction identitaire du peuple brésilien surgissent dans notre quotidien comme un état transitoire expliquant l’effet de blanchiment désiré au Brésil. "Quand j’étais noir, ma vie était très difficile" (Schwarcz, 2017, p.108), ou encore : "c’est pour le juge ? Ecris alors que je suis de race blanche" (Guerra, Silva & Lima, 2019). Ce sont des formules de langage soulignant l’usage social de la couleur de la peau, son état transitoire conditionné à l’ascension économique, sa dimension relationnelle en conformité avec son interlocuteur et son aspect politique déterminant la subalternité et légitimant l’oppression et l’exclusion du noir. 

Certains auteurs (O. Nogueira, 1998 ; Schwarcz (2017) font référence au "préjugé de trait" – physique et non pas d’origine -, à cet "état" de la couleur de peau du brésilien. Le recensement de l’IBGE (Insee Brésilien) de 1976, réalisé sur un échantillonnage et avec une question ouverte à propos de la couleur de peau, a collecté 136 adjectifs différents, dont "lilas", "s’enfuir de la couleur", 16 types différents de métisse (de "bien bronzée" à "dorée"), "brune polonaise", "de Bahia", "verte" et "blé"… Il s’agit d’un véritable vocabulaire interne, avec des expressions et des proverbes locaux, incompréhensibles dans d’autres langues à cause de la spécificité des expressions dans le contexte national (Shwarcz, 2017). En peu de mots, Munanga (2017, p.41) "résumerait le racisme brésilien comme étant diffus, subtil, évasif, camouflé, étouffé dans ses expressions et manipulé, mais efficace en termes d’objectifs".

Le racisme à la brésilienne dans la perspective psychanalytique

La manière dont le racisme s’est structuré au Brésil, comme il est possible de le voir, implique des mécanismes collectifs et institutionnels qui ne peuvent se passer de l’action humaine, mais qui s’articulent de façon structurelle. Le racisme ne se présente pas uniquement dans la pratique entre des personnes ou des groupes et son origine résulte de l’institutionnalisation des idées préconçues. Institué avec l’esclavage en fonction de l’oppression, la déshumanisation, la division du travail et les richesses spécifiques à la colonisation brésilienne, le racisme s’est déployé comme un tentacule et s’est institutionnalisé compte tenu de processus automatiques en apparence qui masquaient très souvent l’avilissement et la ségrégation pour adopter la forme d’une violence systémique (Zizek, 2014). Intégré par la bureaucratie et le quotidien, infiltré dans les modes et coutumes brésiliennes, il est doté d’aspects matériels et symboliques incontestables.

D’un côté, nous nous devons de penser en termes de structure sociale, de relations sociales au-delà de l’interpersonnalité dans le contexte du racisme conforté par les institutions ; d’un autre côté, nous devons penser à la dimension symbolique, à l’infériorisation du noir en tant que peuple et personne, à l’imaginaire, aux relations interpersonnelles, à l’idéologie raciste (Rosemberg, 2017, p.136). 

En fait, qu’est-ce qui alimente donc cette structure ? Avec l’interface de la psychanalyse introduite dans la discussion du racisme, comment pouvons-nous comprendre cette logique ? Quels sont les mécanismes alimentant le racisme à la brésilienne ? Comment les déconstruire ?

Les différents modes de déni en psychanalyse nous aident à percevoir la subtilité de l’ensemble discursif national du racisme à la brésilienne. Si, comme l’oriente Lacan (2003, p.463), il est nécessaire de comprendre "ce qu’il se passe avec le racisme des discours en action", nous pouvons déduire que tout racisme est de fait un racisme de discours, une manifestation d’intérêts dominants. Freud (1925/1976b), quant à lui, nous ouvre les méandres de cette trame langagière complexe en associant le déni et l’élément symbolique de la matérialité de la langue, ce qui nous permet d’avancer dans la compréhension de la structure du racisme et de sa façon d’exister. 

En psychanalyse, le déni s’articule en tant que mécanisme structurel et primaire de défense, responsable de la propre possibilité symbolique de représentation d’un objet par le langage face à l’absence de cet objet à l’origine de la satisfaction. La négation est à la base de trois grands modèles de défense de l’inconscient : le refoulement, le démenti et la forclusion. Le refoulement est similaire à l’oubli, conduisant la représentation d’une situation créant une gêne psychique vers l’inconscient par un travail pulsionnel laborieux dont le symptôme est la forme consciente. Le démenti, ou le refus, implique une forme de négation qui reconnaît et nie en même temps l’existence d’une représentation, qui réapparait sous une forme de fétiche. Et, finalement, la forclusion, ou le rejet, exclut la représentation comme si la situation traumatique vécue n’avait jamais existé. Comme elle n’est pas écrite, elle revient sous forme d’hallucinations. 

Or, l’affirmation (Behajung) qui écrit une représentation à l’origine de l’objet de satisfaction est concomitante à l’expulsion (Ausstossung) d’autres possibilités de sa représentation et doit être niée afin de gagner une existence symbolique et souffrir les vicissitudes de son destin dans le langage. Ainsi, la négation constitue une façon de prendre connaissance de ce qui refoulé ; en fait, c’est déjà une suspension du refoulement bien que, de manière non naturelle, une acceptation de ce qui est refoulé. Nous pouvons voir ici comment la fonction intellectuelle est séparée du processus affectif (Freud, 1925/1976b, p.296).

Une énonciation du refoulé peut ainsi produire son acceptation intellectuelle sans néanmoins mobiliser l’affect qui la maintient en refoulement. Il s’agit de la fonction intellectuelle en action, mais séparée du processus dynamique de refoulement à proprement dit. 

Ainsi, "refuser quelque chose en jugeant, c’est, au fond, dire : 'C’est quelque chose que je voudrais refouler (oublier). Un jugement négatif (un 'ce n’est pas cela') est la compensation intellectuelle du refoulement" (Freud, 1925/1976b, p.297). En outre, juger est une action intellectuelle menant à une action motrice qui conduit la pensée vers l’agir à partir de l’action réciproque des pulsions primaires. Elle incite donc à l’action qui, dans le contexte du racisme, peut prendre forme dans les mots, le symptôme ou même dans la violence. Doté du symbolisme de négativité, -inexistante ou inconsciente -, le jugement rationnel implique une première mesure de liberté des conséquences du refoulement. Une étude récente de Datafolha – institut de sondage brésilien -, publiée en 1995 dans le journal A Folha de São Paulo (Munanga, 2017), a nettement fait part du négationnisme en action au sein du discours structurel raciste à la brésilienne. 90 % environ des personnes interrogées ont accepté l’existence du racisme dans le pays, mais seul 10 % d’entre elles ont confessé avoir eu des attitudes discriminatoires. Toutefois, 87 % ont eu des comportements racistes en répondant à des questions indirectes. 

Nous pourrions nous contenter de l’explication de la négation sur la base de la structure symbolique et discursive du mécanisme culturel brésilien de défense et de déresponsabilisation face à la stagnation du racisme, sa reproduction et son maintien. Toutefois, des auteurs studieux du thème sont déjà allés au-delà de l’analyse subjective de confrontation du racisme envers les noirs et ses conséquences affectives. Dans cette perspective, Santos (1983) se penche sur la construction de l’idéal du moi de la personne noire, ancrée dans l’idéal du sujet à la peau blanche, avec un déni absolu de sa couleur de peau constituant le fondement des modalités spécifiques de la souffrance mentale des noirs et engendrant une construction imaginaire du blanchiment de la race en tant qu’idéal social présent dans l’intimité de chacun, du point de vue individuel et collectif en tant qu’agencement de groupe. Bien que le terme idéal du moi soit imprécis du point de vue conceptuel chez Freud, il est défini ici (Freud, 1921/1967a) comme une instance séparée et contrôlant le moi, qui entre en conflit avec lui grâce à son agent de surveillance – le surmoi- par des actions d’auto-observation, de conscience morale et de censure qu’il exerce. Donc, lorsque l’homme blanc est inconsciemment configuré en tant qu’idéal du moi, il exerce une fascination et encourage la servitude, impose son modèle et interfère dans la configuration narcissique de toute une population, en avilissant ses membres un par un de façon singulière et intime. 

En ce sens, au sein des commentaires au sujet de la thèse de Santos (1983), Costa (2003) défend la perspective que l’esprit du noir brésilien, imprégné du racisme, vit la condition d’une abolition symbolique, ce qui rejoint la thèse d’I.B. Nogueira (1998). Cette perspective aurait un effet double : le corps noir ressentirait des affects intenses et des violences quotidiennes produisant l’injonction de l’idéal du moi du sujet blanc sur la peau noire ; ainsi que le refus, la négation et l’annulation du corps noir dans sa réalité concrète. La douleur narcissique est imprégnée de culpabilité, de censure et d’auto-restriction, le refoulement et la négation seraient insuffisants pour expliquer cette expérience. Costa (2003) parle de forclusion et d’hallucination négative et I. B. Nogueira (1998) de dépersonnalisation, de déshumanisation et d’identification avec l’agresseur ; la construction identitaire du noir étant ainsi marquée par la peur et la haine qui ne trouvent pas comment se faire représenter. D’où le fait que le signe "noir" comporte une pluralité de significations. Le refus, par le noir, de ce signifiant implique le refus de soi-même et l’annulation de son propre corps comme un autre impossible de concilier avec la couleur de sa peau (I.B. Nogueira, 1998).

En outre, Veríssimo (2017) nous conduit à penser que la complexité du racisme structurel en termes de langage est plus importante que nous le supposons. Elle identifie, outre la logique du refoulement – un déni inconscient – et de la négativité – négation intellectuelle –, la logique du démenti ou du refus au sein du racisme à la brésilienne. 

Je soutiens l’hypothèse du déni face à la constitution narcissique du noir car je pense que celui-ci est un processus trans-générationnel opéré à coût d’attaques contre l’affiliation du sujet noir et sa constitution identitaire culminant dans l’impossibilité de penser au sujet de sa propre identité (Veríssimo, 2017, p.247).

Il existerait un bouleversement de références pour étayer le narcissisme qui, grâce au regard, implique un vide d’investissement où le préjugé et l’expérience de moins-value attribués à la peau noire sont transmis par la négation et, par la suite, renforcés par le pouvoir discriminatoire et institutionnel, fréquemment expérimentés de prime abord chez soi. De cette façon, le signe vide à l’origine de la race serait comblé par le racisme (Silva, 2017).

La race blanche fétichisée triompherait de la menace de castration dans un modèle défensif narcissique qui, par le déni, aggraverait la division du moi dans la relation avec la réalité. Affection et hostilité, ou idéalisation et haine s’inscriraient donc de façon ambivalente dans un idéal impossible ici constitué. Nier et affirmer simultanément la couleur noire dans ses différentes nuances est un recours discursif et défensif. "Le corps blanchi par le racisme, dans cette acception, vivra une expérience traumatique d’attentat à l’intégrité narcissique même, en plus de la destitution de la place du sujet qui lui reviendrait de droit" (Veríssimo, 2017, p.246). 

La perception traumatique de la couleur de peau noire, quotidiennement relancée par le préjugé dissimulé, nous semble être vécu tantôt comme une non-inscription, une forclusion qui revient sous forme de pulsion de mort dans des sentiments de dépersonnalisation et d’hallucination négative, tantôt comme un déni, un démenti vécu de façon ambivalente comme un fétiche de blanchiment, ou encore comme un refoulement revenant de façon symptomatique à cause de la culpabilité, de la configuration de problèmes narcissiques et compte tenu de la formation de symptômes de la souffrance psychique du corps noir. 

Comme nous pouvons le voir, la figure du corps noir est l’indice central de cette analyse. La condition historique de son invisibilité et, à la fois, la surexposition dépréciative du corps noir est basée sur et résulte de l’esclavage colonial. Cette situation touche des peuples et cultures africains très divers, mais la "pluralité des dominés est devenu invisible et un seul trait – le corps noir – a été surexposé. Le corps a été substantialisé, comme séparé de la personne. Et il a été rabaissé (…) en signe d’infériorité" (Gonçalves, 2017, p.145). Certains auteurs parlent d’un apartheid psychique (I.B. Nogueira, 2017) vécu dans la ségrégation silencieuse imposée aux brésiliens durant le siècle dernier en fonction de la négation et de la stagnation du racisme dans le pays. 

Au niveau de l’inconscient, il existerait une assimilation de la position narcissique d’infériorité du fait de l’identification aux idéaux dominants de la race blanche et les sujets captifs seraient eux-mêmes responsables de leur maintien dans cette condition. "Libérés de la captivité, mais jamais libres de leur condition d’esclave" (I.B. Nogueira, 2017, p.122), le maintien du stigmate racial est encore visible aujourd’hui au sein de discours, comme celui d’un président de la république blanc en plein XXIe siècle, qui fait référence à la dépréciation du noir pesé par "arrobas" (unité de mesure de masse utilisée pour le poids des animaux ou d’un produit agricole qui est égal à 15 kg).

Le fait du racisme à la brésilienne et comment le surmonter

Pour quelles raisons une femme blanche de classe moyenne se penche-t-elle sur le thème du racisme et élabore-t-elle des stratégies pour le déconstruire et le surmonter dans la condition psychanalytique ? Ce n’est que très récemment que je me suis rendue compte des pièges du racisme. Comme tout brésilien, j’étais incapable de reconnaître des attitudes racistes en moi même. Les données d’une étude sur un adolescent délinquant - le jeune noir qui avait demandé d’être identifié en tant que blanc face au juge –, les statistiques du génocide de la population de jeunes noirs brésiliens de sexe masculin et pauvres, les témoignages d’étudiants qui sont entrés à l’université publique grâce à un système de quotas de race, m’ont amenée, en tant qu’enseignante et chercheure universitaire, à entamer cette recherche, initialement historique et ensuite psychanalytique, à propos du racisme. Néanmoins, ce n’est pas par le biais de livres ou d’articles que j’ai été affectée par le racisme institutionnel. Je l’ai été pendant les réunions bimensuelles avec les récits et les dénonciations de personnes noires, hommes et femmes, qui fréquentèrent le groupe. C’est en compagnie de leur quotidien que je me suis rendue compte que je pensais être universelle par le seul fait d’être blanche. Nous ne voyons pas la couleur de notre peau blanche parce que nous sommes également aliénés de façon inconsciente à l’idéal du moi blanc perpétuant, dans la réalité concrète, une configuration narcissique uniciste et un système symbolique de privilèges. L’ascension de ce système invisible de quotas pour les blancs est difficile et douloureux, spécialement lorsque nous ne participons pas au désir de sa perpétuation. 

En guise de conclusion, je traiterai maintenant de comment je vois la possibilité de surmonter l’hégémonie de la race blanche qui, d’un côté, macule la souveraineté nationale et, de l’autre, nous envahit subrepticement comme une marque autour d’un idéal difficile à cerner. Je sais que la place du blanc a créé une équivalence entre l’être humain et le savoir dominant, je sais que le racisme à la brésilienne démobilise les victimes, escamote les problèmes de société et discrédite le contenu multiculturel de l’histoire des noirs au Brésil en produisant l’illusion d’une histoire unique et blanche (Munanga, 2017). Je connais également la série d’actions prescrites pour surmonter cette situation : défense des quotas et actions affirmatives ; actions collectives et non pas uniquement les actions individuelles de la clinique psychanalytique ; réécriture de l’histoire ; création d’espaces de mémoire de l’histoire de l’esclavage ; reconnaissance et visibilité de la cosmologie ; de la valeur, du savoir et de la culture des afro-descendants ; écriture du discours du noir et non pas du blanc sur le noir ; soutien aux multiples mouvements sociaux contre le racisme.

En ce qui concerne la psychanalyse, Borges (2017, pp.27-28) propose une orientation de façon lucide et succincte en condensant les lignes de pensée à une action psychanalytique nécessaire à élaborer contre le racisme à la brésilienne :

Sensibiliser et donner de la visibilité à la cruauté du racisme à la brésilienne, ce "crime parfait", (…) ce n’est pas suffisant (…) la psychanalyse brésilienne devrait déterrer, sortir des décombres, le refoulement et le déni les marques qui ont institué notre nation en rendant possible les récits des souffrances spécifiques et singulières de cette histoire toujours d’actualité pour ouvrir l’espace à la réflexion et à la métabolisation des maux infligés de façon réitérée par la colonisation, l’esclavage et l’exploitation de notre peuple, en nous délogeant de la place de victime et de bourreau, en rendant notre puissance et intégrité, en valorisant toutes les histoires personnelles dans leur diversité. Une telle action devrait imprégner tout le quotidien de la clinique.

Elucider la trame complexe du racisme à la brésilienne dans la figure de l’homme et de la femme de couleur noire, avec la reconnaissance de l’hégémonie de la race blanche et de l’effort quotidien de démontage du système de privilèges qui y est associé, sont les mouvements décisifs d’un travail nécessaire, clinique et politique. La psychanalyse retrouve ici sa fonction critique et sociale et remet en marche sa matrice originale de discipline dédiée à la transformation. Il manque aux psychanalystes, dans la responsabilité articulée un à un, d'affronter cette perspective inconsciente et de soutenir, dans la différence, cette démarche historique.

  1. Les quilombos étaient des espaces physiques, loin des villes et des plantations, où les esclaves ont fui au cours des siècles d'esclavage au Brèsil, vivant en communauté, avec une économie de subsistance et avec leurs propres règles, dans un véritable état civil parallèle à l'état national.

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