La revue MIBI se pérennise depuis déjà vingt-neuf années,
Son comité de rédaction entend situer la revue en tant que support d’accès et de diffusion, des écrits entre divers acteurs, pouvant rendre compte d’une pratique attenante aux questions, notamment, cliniques, posées depuis cette partie du monde que l’on nomme la Caraïbe.
Ce support est conçu comme un espace de partage des productions de pensée, des ressources prometteuses que recèlent les nombreux psychologues, psychanalystes, philosophes, anthropologues, sociologues etc. intervenant notamment aux Antilles, et plus généralement, tous ceux se consacrant à une réflexion critique de l’humain dans la Caraïbe et dans le monde.
L’existence et la présence de MIBI en tant que revue, est la résultante d’un pari de confiance et de tolérance entre des hommes et des femmes autour d’un projet d’élaboration d’un possible lien prometteur d’un discours à l’écoute d’autres discours à partir de propos issus d’autres contrées.
Une telle ambition, porteuse en elle-même à la fois de fragilité et d’enthousiasme, doit être sans cesse consolidée et renouvelée par tous ceux qui la supportent.
Le thème retenu pour l’actuel numéro, en cette année 2025, est celui de “Corps et Parole”.
Ba mwen dizot dé mo anlé kò épi pawol. Sa ki lé konprann sa sa yé kò, pou moun ki ka palé, pou nonm ek fanm. Silon mannyè chak moun pran tan kouté plizyè modèl pawol, pran tan li plizyè pawol matyé, kilès ka alé anfonfok lekspérians katchil an tèt, andidan lespri chak moun.
Lè ou fini pran tan gadé kouman an ti-anmay ka aprann, ka dékouvè, ka pran konsyans i ni an kò ki tay, ki pa ta an lot moun, ki pa ta manmany dèja pou yonn.
Moman ta la ka pasé lè ti-anmay la ni pa bò an lanné jis an lanné é dimi, lè ti-moun la ka jwenn an glas adan an kay ek ka wè potré koy, limaj koy épi ka rikonnèt sé limenn ki la pou primyé fwa. Sa ka pasé douvan zyé manmany ek ti-anmay la ka gadé manmany tou ek tou lé dé kontan sa. Moman rikonésans tala yo kriyéy an fransé : le stade du miroir.
Pou ni an lidé di sa ki kò, fodré rimonté jis an tan tala, an tan ti bébé, an tan lanfans. Sé kon sa ou pé touvé an primyé model lesplikasyon di sa sa yé kò, kouman an kò ka touvé plas li adan pawol.
Sa ka menenw a réfléchi pou chèché sav es kò sé kon mòso vyand, sé lachè ? Es kò bizwen ou rikonnet li, bizwen an katchil ki ka fèt andidan lespriw ki ou lé ki ou pa lé. Espikanaliz la ka bay an téori, an lesplikasyon ka di sé pas’ nonm ek fanm gran kon piti mété kò yo ka palé o byen kouté palé, ki yo rivé touvé chimen pou fè sa yo ni a fè.
Sé pou sa, avan ou pé wè kòw kon sa ki taw, ou ka wèy kon an bagay étranjé, kon si sété an moun ou pa ni a pran wotéy. Mé dépi lè ou tou piti padavré ou koumansé kouté pawol, jis tan ou rivé mofrazé, ou jambé an lin. Ou pasé adan an lot’ dimansyon. Déjà pou yonn ou ka kasé kòd épi sa ou té ka risanti san pyès pawol pou diy, ou ka pran pawol kon an flanbo ka kléré tout’ ekspérians ou. Yo pé kriyé sa : konversyon. Mé pou rivé fè konversyon ta la ou oblijé kasé kod, ou oblijé ladjé mannyé ou té ka risanti, ki lé di di wè sans wè tann san tann, pas’ ou poko té mété pawol douvan pou kléré sa ki té pou kléré épi lésé an nwè sa ki pa té pé kléré.
Mi an kesyon, es kò sé zantray, sé servo, sé tchè ? Ki lé di, es mòso kò sé kò ? Si ou kouté lidéw anlé modèl sa ou ka wè, sa ou ka tann, sa ou ka konprann san fòsé kontel sé sa menm ki douvan zyéw ou ka di man pa bizwen alé pli lwen sé sa mennm ki kò. Kontel lè moun ka diw mwen sé sen toma fok man wè pou kwè. Mé si ou pran fòs anlé lidé sé lespri katchil ki adan pawol ki ka fè ki kò sé an non dabo pou yonn, ou pa ka ba mofraz kò menm sans’. Adan sans ta la fok fè an lo chimen andidan lespriw épi pawol ou pou misiré sa ki kò.
Man touvé adan an liv, nony sé Pawol pa ni koulè, dé mo matjé misyé Hector Poullet ek Man Dany Joseph Ducosson. Yo ka palé di kò adan plizyè sans kontel kou mannyè ou ka jwenn kò adan an lo mofraz kon : lespri kò, zavè kò, tiré kò, vyé kò, etc.
Es kò sé kò dézabiyé ? Es kò sé kò toutouni ? Es kò sé sa ou ka wè o byen saw ka mété adan ki ka fèw plézi, saw ka chéché adan ki ou pé ké jen ritouvé ?
Siw pran tan li an teks Misyé Césaire en fransé ou ka sipozé pawol kréyol la dèyè-doy, an pawol pé, an pawol toufé lyanné épi kò.
« la muette invocation vers les dieux du désastre…le vent s’en ira-t-il déflorant, gémissant vers l’attente cambrée…les forêts démâtent… » La ou ka tann Kréyol-la o pré. Apré le speaker ka palé : « Silence messieurs, silence. » Lè piès la za près’ fini le rebelle ka di : « faites-moi peur, faites-moi très peur je vous dis…serrez-moi le front avec une corde, pendez-moi par les aisselles etc. et le geolier ka réponn: Tais-toi, nom de Dieu. » Sa andidan Et les chiens se taisaient. Ou pé di ki lè sé ko sèlman ki rété pa ni dot solisyon ki pé frèt.
En première page de couverture de ce numéro de Mibi, Victor Anicet propose sa « Page d’écriture » où dans un style dépouillé du superflu, l’auteur livre à notre regard, des silhouettes, des traces équivoques de représentations de corps de travailleurs de divers horizons arrivés dans l’En-ville foyalais au milieu du siècle dernier.
Mickaël Bernard Caruge convie le lecteur à une réflexion critique visant à situer l’art caribéen au regard de l’art contemporain occidental. Dans les raies de la réflexion qui préside au texte qu’il a produit : « La globalisation et la réification de l’être postmoderne, à l’œuvre dans l’art caribéen », l’approche du corps s’illustre tant du point de vue de l’œuvre d’art que de celui du discours qui la détermine.
L’adolescence comme période est présentée par Julie Ostan-Casimir dans : « À l’adolescence, le corps métamorphosé se sexualise et se place au cœur des conflits ». Au fil d’une description métapsychologique, l’auteure choisit deux situations cliniques, l’une ayant pour protagoniste Alex et la seconde Marie. Ces présentations de situations offrent, à l’aune d’un détour sur la question du corps, un espace de lecture et de réflexion.
« Emprise, corps et paroles, quels impacts ? » produit de la collaboration fructueuse de Laury Beaubrun En Famille Diant et Catiana Saint-Amour se compose d’un texte de Laury Beaubrun En Famille Diant et d’illustrations plastiques de Catiana Saint-Amour. La vignette clinique du cas Maria apporte le témoignage d’un vécu et constitue le support de l’argumentation théorique, mais également de l’interprétation picturale, de la notion d’emprise.
Dans « Pour introduire l’objet colonial et la langue de l’affect, aux limites du traduisible de la scène coloniale entre créolophonie et francophonie », c’est l’irréductible de l’affect (pas sans effet sur le corps donc) que Yan Bylon cherche à donner à entendre à partir d’une écriture d’analysant. A travers l’expression « mol an koy » le corps s’invite aux confins du social empreint du fait colonial.
Les effets chroniques de l’histoire coloniale et esclavagiste, sur le traitement des corps des hommes et des femmes et sur le langage parlé caractérisé par la violence, transmis par le biais de la culture, sont l’objet du propos de Dominique Floret dans « Les stigmates de l’esclavage et de la colonisation dans le rapport au corps et à travers la parole ».
Tony Ward présente dans « Les fondements de l'esprit : Les schémas comme concept intégratif en psychologie et en psychothérapie » un manifeste argumenté de la thérapie par les schémas utilisée comme méthode thérapeutique pratiquée en psychologie cognitivo-comportementale. Dans son évolution récente, cette approche n’exclut pas l’usage de la méthode d’association libre qui caractérise généralement les thérapies dites psychodynamiques, précise Tony Ward.
Dans « Pratiques Cliniques : Un jardin dans la prison » Kevin Groguenin et Paulette Lubin présentent un retour d’expérience issu d’une pratique thérapeutique, « l’atelier jardinage », ouverte aux personnes détenues bénéficiant d’une prise en charge par le service psychiatrique situé en milieu pénitentiaire. Cette pratique consiste à proposer aux personnes détenues d’investir un jardin collectif dans l’espace confiné de l’unité de soin.
Dans le texte :« De la haine maternelle…Jo la Battante » Marie-Laure Bernard fait le récit d’une vignette clinique où domine le sentiment de haine tel peut se transmettre au sein d’une famille au fil des générations notamment entre une mère et sa fille. Marie-Laure Bernard retrace le cheminement de ce sentiment chez sa patiente mais également au fil des générations qui l’ont précédé. S’ajoute à cette haine le préjugé de couleur.
Annabelle Bezo avec « An pa mandé chivé grénen » met en exergue, l’usage contemporain d’expressions langagières dépréciatives concernant le corps, plus précisément, un de ses traits, la chevelure, et en particulier, celle des personnes afrodescendantes. L’occurrence de ces expressions, telles qu’elles peuvent s’entendre au fil des échanges verbaux aux Antilles françaises, est située comme un effet du passé esclavagiste.
Le texte intitulé « Quand le corps parle de la souffrance du patient » présente deux vignettes cliniques qui témoignent de la pratique assidue de psychologue clinicienne d’Edwige Millien en Haïti. Ces vignettes sont respectivement celles de Suany et de Maria dont Edwige Millien met en partage quelques étapes du procès thérapeutique jusqu’au terme, tel qu’il advient, notamment, ponctué par une parole résolutive en créole.
« Traumatismes dialectisés ou névroses traumatiques » proposé par Victor Martine LINA constitue une suite du questionnement entamé dans « Traumatismes » titre du numéro 5 de la revue. C’est dire que le débat sur le traumatisme n’est pas clos et pourrait être poursuivi à l’occasion de nouvelles parutions. « Le corps comme siège d’un point de la différence dans une perspective en abyme » constitue aussi un nouveau développement d’un propos précédent concernant le couple corps et objet. La dialectique du corps et de la parole ouvre à des développements issus d’une pratique en milieu hospitalier où la parole est devancée par l’écriture des résultats d’analyse et d’exploration du réel du corps…
Revue des Psychologues de la Caraïbe Francophone et Créolophone
Fondée par : L’Association des Psychologues de la Martinique
Portée par : L’Association des Amis de la Revue des Psychologues de la Caraïbe francophone et
créolophone (ARPC)
Parution Biennale
Directeur de publication et rédacteur en chef : Victor Martine LINA, e-mail : v.lina@wanadoo.fr
Comité de rédaction : Odile BAZABAS, Laury BEAUBRUN-DIANT, Yan BYLON, Claire-Emmanuelle LAGUERRE, Myriam LOMBARD-JAMES, Fred VERT-PRÉ